Avant
de quitter Mendoza, je fais un dernier passage à l'Alliance française
pour saluer Franck et le remercier de son accueil.
Je
quitte la ville par l'avenue San Martin qui conduit tout droit à la
route des thermes de Villavicencio. A peine 30 kilomètres et je
m'arrête avant le début de la montée. Le pneu arrière manque
d'air. Encore un ersatz (aujourd'hui une épine) de mon arrivée de
nuit à Mendoza par la quatre voies qui a échappé à ma vigilance.
Mes chambres à air sont à égalité : elles ont toutes au
moins une rustine.
Je
profite des coins pique-nique improvisée par les familles au bord de
la route pour me choisir un endroit pour la nuit, et me lance le
dimanche à l'assaut de la montagne.
La
route devient ripio après l'hôtel des thermes et arpente les
hauteurs en de nombreux lacets.
Des
panneaux annoncent la présence du puma, du zorro et des guanacos.
C'est
toujours un plaisir de retrouver ces derniers animaux au comportement
grégaire dont le mâle dominant est chargé de la sécurité du
troupeau.
Quand
je bivouaque à quelques encablures du col, ce mâle restera
longtemps à m'observer, avant de rejoindre sa horde de l'autre côté
du mont.
Au
lever du soleil la vallée est sous les nuages.
Je
poursuis vers le col, où la grande croix blanche (« Cruz de
Paramillo ») plantée par les jésuites au 17ème siècle
est toujours debout.
Je
suis sur l'ancienne route coloniale datant du 16ème siècle
qui permettait depuis Mendoza de rejoindre le Chili, et
qu'utilisaient les troupes du général libérateur San Martin.
Elle
permit également l'essor de l'activité minière au 18ème
siècle, dont il reste quelques vestiges.
La
descente jusqu'à Uspallata se fait par une route à moitié bitumée.
Je quitte cette petite ville de montagne déjà visitée il y a une
semaine par le nord par un bel itinéraire en faux-plats qui glisse
en douceur sur un étroit plateau coincé entre deux sierras de la
Cordillère andine.
Asphalte
qui là aussi devient piste. Un renard dort, allongé au milieu du
chemin ; « il a deux trous rouges au côté droit ».
Même sur ces espaces quasi déserts les automobiles sont des tueuses
implacables pour la faune imprudente.
L'arrivée
à Barreal annonce un changement dans le paysage ; je longe le
rio Calingasta jusqu'à son entrée dans la ville éponyme.
Arbres,
champs labourés et vignes apparaissent comme par enchantement là où
il n'y avait hier que des cailloux …
Le
temps est au soleil malgré les nuits un peu fraîches. Je quitte
donc Calingasta sans me soucier de la météo. Les quelques maisons en adobe
du bord de route se confondent avec les collines arides.
À
Villa Nueva je bivouaque à l'abri du vent au milieu de petits
arbustes épineux. Le vent tombe à la nuit, et est remplacé au
matin … par une pluie verglacée.
Je
plie la tente après la première averse et repars vers le nord. Au
programme, un chemin de terre de 90 kilomètres aux indications à
priori imprécises. Mais je n'irai pas loin : à la sortie du
village un panneau sans doute planté du matin annonce la fermeture
du camino.
Finalement,
après renseignement pris à la gendarmerie, la route est fermée
depuis longtemps à cause de travaux
- Et vous ne pouviez pas l'indiquer à Calingasta ?
- Oh mais malgré l'interdiction les gens passent quand même
- (…) ?!
De
toute façon je ne me sens pas aventureux pour cette piste :
indications aléatoires + travaux + météo exécrable = de grandes
chances d'y laisser des plumes.
Je
refais à l'envers les 40 kilomètres vers Calingasta et je ne le
regrette pas : pluie, froid, et finalement neige me font opter
dès mon arrivée dans la ville pour le camping municipal.
Le
gardien qui me voit arriver a dû prendre pitié de moi, car il me
laisse camper gratuitement ; j'ai les pieds tellement gelés que
l'eau chaude de la douche m'occasionne de belles douleurs aux orteils
avant qu'ils ne s'habituent à nouveau à une température normale.
C'est
finalement l'occasion d'en apprendre un peu plus sur ce village de
montagne aux richesses insoupçonnées : mines d'or, de
magnésium et de sulfate d'aluminium (utilisé pour le traitement de
l'eau). Y ajouter un carnaval d'une semaine et des concerts chaque
week-end de l'été, des rivières poissonneuses, de nombreuses
cultures maraîchères …
On
y fabrique même du cidre voué à l'exportation vers l'Europe, avec
la marque notamment « la Capilla » : la petite
crêperie de Mendoza qui ne propose pas de bolée sur sa carte ne
devrait pas avoir d'excuses !
Je
file dès le lendemain vers la vallée sous le soleil.
Belle
descente d'abord de 45 kilomètres en rive droite du rio San Juan
Puis
en passant le pont, une bonne montée de 25 kilomètres permet de
franchir la sierra del Tigre ; pas d'indication d'altitude au
col (sans doute au delà des 2000 mètres), mais juste la distance qu'il me reste à parcourir pour San
Juan.
Tout
schuss donc en cette fin d'après-midi pendant 50 kilomètres avec de
jolies couleurs quand le soleil décline.
Doigts gelés cette
fois-ci, alors le feu est de rigueur pour installer le campement avec
des mains réchauffées.
Dernière
étape ce samedi matin, en rejoignant la route 40, où je retrouve le
surnom dont on m'affuble souvent quand on me croise chargé comme une
mule, sans que cela ne soit forcément péjoratif.
- Ola, de donde vienes, loco ?
- Toi-même !
Quitte
à revenir en arrière, autant le faire franchement ; plus de 60
kilomètres vers le sud pour arriver à San Juan.
Il
y avait 160 kilomètres entre Mendoza et San Juan par la route 40.
J'en ai fait quasiment 400 de plus.
Mais
manquer le petit détour par Calingasta aurait été dommage. Loin du
cliché du montagnard bourru, les gens s'y sont montrés en plus très
accueillants.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.