samedi 28 mars 2015

Armor et Argoat



La côte bretonne, escarpée, propose parfois de jolies grimpettes, mais l’intérieur n’est pas en reste.

Les collines usées du massif armoricain, que l’on appelle ici pompeusement montagnes, et qui culminent à moins de 400 mètres d’altitude, possèdent une jolie collection de montées-descentes qui on su forger, sinon le mental, au moins les mollets, de bien des champions cyclistes, Hinault en tête.



Le domaine de Trevarez, blotti au pied d’un des sommets des montagnes noires, a peine à se faire distinguer dans cette monotonie de fin d’hiver.


Je hale Paulo le long du « canal de Nantes à Brest » jusqu’à Carhaix, puis me hisse à nouveau sur les plateaux bocagers, où les talus parfois hauts de deux mètres offrent une protection sommaire face au vent de nord-est glacial.

Châteauneuf-du-Faou dominant le canal

routes de l'Argoat
 

Les arbres, hibernant encore, aux bois tellement secs qu’ils semblent morts, sont comme des rangées de candélabres dont je m’imagine qu’on y a bouté le feu pour me réchauffer et me frayer un passage au milieu de torches brûlantes.

Chimères. Chaque sommet de côte me rappelle Eole et ses bises calment mes oniriques ardeurs.



Puis, passé Trébrivan, le paysage grisonnant devient presque grisant ; les villages avec leurs enclos paroissiaux Renaissance surplombent des ruisseaux clairs, des bois de résineux ont survécu à l’essartage, et les landes de Locarn, réhabilitées pour préserver l’habitat des balbuzards, offrent des points de vue sur les hauteurs d’Argoat.
 
Locarn : enclos paroissial

landes de Locarn : vue sur les montagnes noires

La cathédrale de Guingamp, étouffée dans le mini-centre historique, passe presque inaperçue.

Celle de Tréguier, trente kilomètres plus au nord, dévore la place de Martray. On ne voit qu’elle. Et encore, le cloître, un des plus remarquables de Bretagne paraît-il, garde portes closes en ce lundi.

cathédrale de Tréguier


Ce Christ en Croix, tout aussi original que le Christ jaune de Pont-Aven, a été sculpté aux dimensions de l’édifice.

 

Sur cette même place, en face de la cathédrale donc, une statue a été édifiée en l’honneur d’Ernest Renan, le célèbre philosophe né à Tréguier le 28 février 1823.

 

C’est Emile Combes, alors Président du Conseil, qui vint en personne dévoiler l’œuvre de Jean Boucher en 1903. Quand on connaît l’anticléricalisme primaire du « Père Combes » (comme l’aimaient à le surnommer ses adversaires), et que Renan fut l’auteur de « La vie de Jésus », on peut imaginer que l’inauguration fut ressentie comme une provocation par les gardiens bretons du dogme catholique.

Deux ans plus tard, la séparation de l’église et de l’état était proclamée par la troisième République jeune de 35 ans, mais ça, c’est une autre Histoire.



En gagnant la côte Nord, je ne perds pas au change niveau paysages. Le vert bocage qui vient mourir de façon abrupte dans la mer aux couleurs adriatiques est un enchantement que j’ai toujours plaisir à voir renouvelé.








Petits ports et petites plages s’alignent comme les perles d’un collier en montagnes russes que j’essaie de suivre au mieux. Séquence sudations !







Perros-Guirec se donne des airs de villégiature très cossue.



tout juste visible depuis la route le sémaphore




Lannion est plus sobre, même si on s’y permet parfois quelques fantaisies.





Morlaix, au fond de sa baie, est toujours aussi charmante. L’immense viaduc en granit est venu enjamber le vieux centre médiéval en 1864 sans demander l’avis aux nombreuses maisons à pans de bois de la Grand’Rue qui étaient tout de même là bien avant lui.




Le buste de Charles Cornic fait lui face à l’océan pour se rappeler son avatar morlaisien du dix-huitième siècle qui en tant que corsaire dépouilla de nombreux navires anglais.



Je repars vers le sud en empruntant cette fois-ci la vélodyssée qui suit le cours de l’ancienne voie ferrée entre Morlaix et Carhaix.

J’y croise Jacqueline accompagnée de son perroquet Hito.



Ce Gris du Gabon, communément appelé « Jacquot », est un animal très intelligent qui non content d’enregistrer les paroles des gens qui l’entourent les restituent toujours à propos.

Aucune parole n’est gratuite ; il appelle même le chien pour qu’il vienne manger.

Il est également très joueur, et parfois très destructeur avec son bec.



Hito est âgé de 47 ans, et peut vivre au-delà … de 100 ans ; un compagnon à vie !



Carhaix, bien que paraissant peu médiévale, possède aussi ses maisons à pans de bois, dont celle dite du Sénéchal en ardoise.



Retour sur le canal jusqu’à l’abbaye de Bon-Repos avant de 
grimper au dessous de la nationale pour avoir une brève vision du 
 lac artificiel de Guerlédan qui semble être à son étiage.


 


La construction du barrage au début du siècle passé mit un terme définitif à la liaison directe entre Nantes et Brest, et le trafic commercial des péniches, déjà mis à rude épreuve par l’arrivée du chemin de fer, périclita peu à peu.

Le Yonnais que je suis ne pouvait pas faire une nouvelle pause à Pontivy. La petite cité de 3 300 habitants fut en effet transformée en 1802 en une ville moderne portant le nom de son créateur : Napoléonville ; tout comme le petit bourg de la Roche/Yon devint à la même époque Napoléon-Vendée.
Place d’armes, caserne, palais de justice, hôtels de ville, lycée … les deux villes nouvelles sont construites selon le même plan en damier autour d’une grande place centrale pouvant accueillir  10 000 soldats


Mais la Place Napoléon le Grand de Pontivy, qui sert aujourd’hui de gigantesque parking, qui n’a pas de statue de l’Empereur, et qui de surcroit a été rebaptisée place Aristide Briand, fait bien pâle figure par rapport au new look de sa pendante vendéenne !



Mais à sa décharge, la vieille ville médiévale bretonne autour de son château quasi intact des Rohan et de ses maisons particulières de la Place du Martray a une autre allure que la petite place de la Vieille Horloge et du mur d’enceinte esseulé surplombant le Yon.



C’est en longeant le Blavet, canalisé jusqu’à Hennebont, que je rejoins Lorient sous un crachin local que je désespérais presque de ne pas avoir encore bu depuis mon départ.
Le chemin de halage est heureusement bitumé m’évitant d’éventuels engluements sur des pistes de terre.


 

samedi 21 mars 2015

trêve hivernale



Me casser le petit doigt m’aura pris une seconde. Le guérir cinq mois. Et encore, je ne compte pas le temps de la médication bolivienne.



Cette trêve d’hiver fut l’occasion de côtoyer le festival du voyage à vélo de Paris côté jardin, avec la présentation d’un petit montage de cinq minutes sur mon périple en Patagonie.
  

J’y ai croisé quelques connaissances de voyage, ainsi que Jean-Luc, dont son film plein de poésie sur son aventure sud-américaine précédait le mien.






Puis après la présentation de mon voyage à la maison de quartier avec le soutien du CSC du Val d’Ornay, j’étais fin prêt pour reprendre la route, en remerciant auparavant tous ceux venus assister à cette soirée.



J’harnache Paulo avec son poids habituel et quitte la Vendée par ses sentiers cyclables.

Le marais breton est avec ses hérons, aigrettes, avocettes, courlis, bécasseaux… un paradis pour ornithologues. 





Je tombe mi-mars pendant la période de couvaison des cigognes blanches. Les œufs sont couvés pendant 32 jours et les parents se relaient au sommet du perchoir installé par les habitants de Châteauneuf.


 


pays de Retz


Avec les palmiers et la brume tropicale on pourrait croire que ce cargo quitte la rade d’un port brésilien.

 

Mais non. Il s’agit bien, hantée par un crachin local, d’une plage de Saint-Nazaire, où Hergé fit embarquer ses protagonistes vers le Temple du Soleil.

 

Pas d’Amérique cette fois-ci pour moi mais la côte sud de la Bretagne que je remonte à rythme lent en contournant parfois par le sentier côtier ses rias, ou ici à Pen Be son traict, baie fermée soumise aux marées propice à la conchyliculture.




Sur la route les chenilles processionnaires se jouent des pneus des bagnoles. Ce convoi de 49 individus comportant chacun douze paires de guiboles se donne les airs d’un très long mille-pattes.


 
Les défenseurs des pins de Pornichet ont rappelé à la rescousse les mésanges friandes de cet insecte ravageur pour préserver leur patrimoine sylvestre.

 

Vannes contrôle l’entrée du Golfe du Morbihan. J’y entre après avoir fait le tour de la péninsule de Sené, où le coiffeur du village me voyant transi de froid à l’abri bus où je pausais pour midi vient m’apporter un café tout chaud. Réconfortant.

Séné

Vannes : remparts

 



Le quai de la vieille ville d’Auray a été rebaptisé en l’honneur de Franklin qui venu en bateau depuis son Angleterre négocier à Nantes une improbable alliance avec la France pour sauver la jeune Amérique en herbe dut accoster en hâte à Auray à cause d’un mauvais grain et gagner la capitale des Ducs de Bretagne par voie terrestre.

Auray

quai Franklin




Le château médiéval, sur l’autre rive, fut lui rasé sous l’ordre de Henri III pour cause de vétusté.

à gauche, enceinte du château


pan de bois : charpente en bois et torchis (argile et paille)

Il ne reste que se dégage de cette cité un charme suranné.

Ford Torino
A Carnac, ce sont les alignements sur plusieurs kilomètres des mégalithes qui captent l’imagination.


Géant du Manio, 5 fois Paulo, le plus haut de Carnac




Vieux de 6000 ans selon les archéologues, ou datant de -50 selon les goscinylogues, les conjectures se perdent sur la signification de ce site néolithique : sépultures individuelles ou collectives, voire temples…



Quiberon a gardé la même dichotomie que lors de mon dernier passage : côte sauvage et déserte balayée par les vents à l’ouest ; côte plus urbanisée à l’est.

Quiberon, côte sauvage


La position du sémaphore, au milieu d’un fort entouré de douves et 
éloigné de la côte, étonne.

vue panoramique ...



 Quand je sonne à la vigie, c’est une voix familière et non surprise qui me répond. Marion me fait visiter le poste de surveillance, avec le balayage sur l’écran radar des cargos au large de Belle-île qui entrent ou sortent dans l’estuaire de la Loire.
Ça me rappelle un peu le poste de pilotage de mon Karaboudjan.


Construits à partir de 1806 sous Napoléon, 58 autres sémaphores jalonnent désormais les côtes hexagonales.
Leur rôle : appuyer les centres régionaux d’opérations de surveillance et de sauvetage.

Les  guetteurs sémaphoriques, comme Marion, « sont les yeux et les oreilles des autorités civiles et militaires. On les surnomme les anges gardiens. »

Et ce n’est pas le nombre de gens sauvés grâce à la vigilance des guetteurs qui diront le contraire !
Un travail un peu solitaire, qui contraste avec la vie embarquée, et qui demande une attention de tous les instants.

Un grand merci à Freddy de  m’avoir ouvert les portes d’un métier méconnu, et à bientôt, peut-être, sur les véloroutes …

Je poursuis mon chemin sous le soleil, et continue d’égrener les villes ou ports bretons.


A Hennebont les bateaux de plaisance se suivent comme des chenilles, et les chevaux de traits évoquent l’existence d’un haras national.



Lorient fut bien abîmée par la guerre, et la nouvelle église possède une architecture fort peu bretonne.


 Les petits ports de Doëlan et du Belon sont des escales aussi charmantes que les petites criques ensablées encore peu fréquentées.



Doëlan


plages de Kerfany

ria Belon


Pont-Aven aussi mérite une halte. Les impressionnistes s’y sont donné rendez-vous, éblouis par la lumière changeante.



La chapelle Trémalo expose quelques copies de Gauguin, dont le Christ Jaune, exposé aujourd’hui à Buffalo (USA), inspiré par le Christ en Croix de cette même chapelle.


Gauguin : autoportrait près du Golgotha (1896)

Le peintre, sur son tableau, le fit sortir de son sanctuaire, et lui donna un visage plus serein que sur l’original.

Christ Jaune de la chapelle Trémalo ...

... et celui de Gauguin (1889)

Concarneau enfin, avec sa ville close, et son quai russe, conclut cette lente chevauchée jusqu’au premier jour du printemps.

pointe de Trévignon
Concarneau

quai russe

Après deux jours de soleil le gris et le froid se rebiffent pour que l’hiver m’accompagne encore quelques kilomètres.

A vélo toujours, car les chauffeurs de vans ne m'inspirent guère confiance ...


... sans destination véritablement définie ...