samedi 31 août 2013

sur le chemin de St-Jacques (deuxième partie)

(samedi) Burgos était déjà au programme de ma vuelta de 2006. Je profite donc de la matinée pour mettre à jour le blog. Le wi-fi est gratuit quatre heures par jour dans plusieurs lieux de la ville. Il suffit de s'inscrire à l'office de tourisme en échange du code d'accès. Je choisis le bar de la gare routière (avec électricité) pour me raccorder à un fil de la Toile planétaire.


Je retrouve pour cette étape les mêmes routes rectilignes de la Meseta balayées par le vent d'est. En 2006 je roulais sur le bitume. Aujourd'hui j'apprivoise les chemins du camino.
Véritable épreuve pour le marcheur qui doit s'imposer un rythme sur ces pistes blanches et brûlantes, le cycliste qui a le vent pour ami est quasiment en balade.

Le pueblo d'Hontanas est une halte étonnante, niché dans une cavité du plateau castillan à l'abri du vent.


Le village-rue de Castrojeriz aussi avec ses trois églises monumentales.

 

Une côte à 12% permet l'accès à l'Alto de Mostelares. La vue au sommet mérite les efforts. La descente à 18% se fait sur une portion bitumée.








Le soleil de fin d'après-midi offre des images postales de cette région d'Espagne où les éoliennes règnent en maîtresses au sommet de canyons aplatis par les éléments.

 

La Meseta avoisine par endroits les mille mètres d'altitude. Il faudra en rajouter plus de trois mille pour l'Alto bolivien avec un vent qui fait passer l'éole castillan pour une brise estivale. Je n'ose même pas y penser !

Je finis la journée par un bivouac sur les berges du canal de Castille, à tout juste cinq kilomètres de l'endroit où je m'étais arrêté en 2006. Un hasard.




(dimanche) L'étape vers Leon est d'une platitude rectiligne ; la balade continue pour le cycliste et le chemin de croix pour le marcheur.
Les longues lignes droites dominicales, comme la via Aquitania, longent de très loin les Monts Cantabriques. Les rares montées ne suffiront pas à briser la monotonie de la route. Restent les villes et villages au patrimoine toujours riche...

via Aquitania

monts Cantarbriques

église-forteresse des Templiers (Villalcazar del Sirga)






Ermita del Virgen del Puente

Sahagun : arche de San Benito








(lundi) La butte sur laquelle est planté le camping me permet une image en hauteur de la ville de Leon.



 Le centre ville est incontournable, articulé autour de son joyau gothique : la cathédrale aux 1800 mètres carrés de vitraux. Leon n'est pas jumelée avec Chartres par hasard.





 plaza mayor et son ancien hôtel de ville




maison Botin (Gaudi)

palais Guzman

collégiale de San Isidro de style roman primitif

couvent de San Marco à la façade monumentale plateresque

maisons de troglodytes



La journée de vélo est entamée comme hier. La piste suit la nationale avec paresse.
Le Puente Viejo, pont moyenâgeux à vingt arches au dessus du Rio Orbigo est magnifique et marque le début d'une fin d'étape plus distrayante.



La piste de pierre et de sable qui se dévoile après le passage d'un petit troupeau de moutons dirigé par des chiens joueurs donne le ton.
Une vue se dégage bientôt sur la ville d'Astorga, magnifique elle aussi, autour de sa plaza Mayor et de sa cathédrale au porche étonnant.





Le soleil est encore haut. J'en profite pour rouler encore un peu et trouve un bivouac idéal au milieu d'un petit bois de chênes lièges.




(mardi) A la fontaine de Rabanal del Camino ce matin, je croise ce couple de Belges avec leur âne Champagne. Depuis 1999, ils parcourent depuis Namur le chemin de St-Jacques en plusieurs étapes. Ils ont commencé avec leurs six enfants, et Champagne était attelé alors à une charrette. Puis au fil du temps, les enfants ont fait défection les uns après les autres, et ils ne sont plus que tous les deux avec leur petit chien pour rallier Santiago.
La charge de l'âne s'est allégée au fil des années ; mais de doute façon, quelque soit le poids transporté, je crois que Champagne est heureux!





C'est l'ascension aujourd'hui du col de la Cruz de Ferro, point culminant de ce camino, à 1405 mètres d'altitude. Pas de difficulté cependant, puisque la montée sur route est régulière.
Un poteau de bois de cinq mètres couronné d'une croix en fer en constitue le sommet. Des pierres symbolisant l'abandon de leurs fautes ont été déposé au fil des ans par les pèlerins.



A la bascule, c'est un véritable paysage de montagnes qui s'offre à moi.





Puis vient une descente très sèche et très longue jusqu'à Ponferrada. Cette ville industrieuse est dominée par l'imposante forteresse des Templiers.

Je poursuis ma route un peu l'après-midi et stoppe à Villafranca del Bierzo avant d'entamer demain la deuxième étape de montagne.

 el Castillo

 couvent St-Nicolas

(mercredi) Je repars bien reposé pour une superbe étape de montagne.
Je longe dans un premier temps en le remontant le rio Pereje jusqu'à Vega. Le tracé de l'autoroute est plus rectiligne et aérien. Les nombreux ponts qui le constituent atteignent des hauteurs vertigineuses faisant des autoroutes du nord de l'Espagne de monumentales œuvres d'art en béton.



Après Vega l'ascension commence. Je gagne 700 mètres d'altitude jusqu'au col de Cebreiro sur une route tranquille à la pente régulière. Arrivé en haut, il ne me reste plus qu'à savourer le cheminement en balcon jusqu'au col final de Poio en faisant quelques incursions dans de petits villages aux toits de lauze.





Dans la descente, avant le monumental Monasterio de Samos, je bats mon record de vitesse avec 62,10 km/h affiché au compteur.

 

A Sarria j'entre en Galice. Bien que descendu à 400 mètres d'altitude l'itinéraire reste accidenté.
Je gagne des petites pistes desservant des localités exclusivement agricoles et atteint la borne indiquant 100 km pour Santiago. Encore quatre jours pour les marcheurs ; une étape pour moi.



Le soleil décline, et il m'est bien difficile de trouver un champ où planter ma tente qui ne soit pas vu du camino ou occupé par les bovins.


(jeudi) La nuit fut abominable. Nourriture mal digérée (une conserve infâme et un emmental un peu coulant) ; eau des fontaines pas toujours très clean ; peut-être un peu de tout ça. En tout cas le réveil est famélique. Un petit café et un cookie. Et me voilà tel un zombie à déambuler sur les pistes agricoles qui descendent sur Portomarin. Un zombie peut agressif ; je tiens une forme indigeste.
A Portomarin la fin de la matinée est occupée à dormir dans un parc pour récupérer un peu de la nuit avec bouteilles de sodas à la main. Un vrai coup de mou !

Pas mieux au resto où le porc grillé et un coca sont les seuls aliments qu'acceptent mon estomac. Moi qui pensait déjà être à Santiago !
Je reprends malgré tout la route avec comme objectif Palas del Rei situé à 25 kilomètres. Je ne suis pas à la fête sur ces routes de Galice en montagnes russes. Les bars qui fleurissent sur la camino me fournissent en coca, mon seul carburant du jour.

Et puis en fin d'après-midi la route devient plus étroite. Champs bocagers, chemin ombragé de feuillus … le topoguide à raison, on se croirait en Bretagne.
J'accepte à nouveau l'eau des fontaines, quelques barres de céréales, et me voilà un peu ragaillardi quand j'arrive à Palas. 35 kilomètres : la plus courte mais la plus dure de mes étapes du camino.

Pas de camping d'indiqué en ville. J'avise une auberge qui affiche complet.
« El camping ; si, si … arriba »
Aïe je craignais ce mot là. Il me faut remonter toute la rue par laquelle je suis arrivé.
A l'accueil de l'auberge « Os Chacotes », on me confirme que planter « la tienda de campana » est possible, et c'est gratuit. Une sorte de bivouac autorisé, avec accès à un petit bloc de sanitaires jusqu'à 20 heures.
La journée se termine bien mieux qu'elle n'a commencé !


(vendredi/samedi) Cette fois-ci c'est bien la dernière étape pour St-Jacques de Compostelle, même si les derniers kilomètres sur les routes accidentées de Galice ne sont pas les plus faciles.

 horreos : grenier à céréales typiques de Galice

Le camino aura finalement eu raison de moi, comme beaucoup de randonneurs qui, à pied ou à vélo, se seront démenés sur ces pistes parfois ardues pour arriver en vue des flèches de la cathédrale.
A chacun sa vitesse, à chacun son parcours, comme cet Autrichien qui entre deux cycles d'études est parti depuis Vienne depuis trois mois pour réaliser à pied son chemin de St-Jacques. Il était venu m voir à la Cruz de Ferro impressionné par le chargement du vélo ; je suis reparti aussi impressionné que lui par son périple.

A Santiago, il ne faut pas manquer la messe du pèlerin. Elle a lieu tous les jours à midi dans la cathédrale. Les randonneurs y assistent en nombre et la nef et les travées sont archi-combles.
Le pèlerinage, qui pour certains est un itinéraire culturel, se termine pour beaucoup ici, sous les hautes pierres de l'église dédiée à l'apôtre Jacques, autour de l'autel au dessus duquel est suspendu le botafumeiro, l'encensoir géant, qui lorsqu'il est mis en mouvement passe au ras du sol à une vitesse de 68km/h.

Santiago de Compostella : les flèches de la Cathédrale

randonneurs et cyclistes sur la place avant l'office de midi

Santiago : place de la cathédrale

Santiago : cloître de l'Université


 
Pour moi le chemin continue demain. En route pour Lisbonne...



















samedi 24 août 2013

sur le chemin de St-Jacques (première partie)

Cinquante kilomètres suffiront pour la première étape en route vers le chemin de St-Jacques. La route des cîmes vers Hasparren propose une succession de côtes assassines. Beau contraste avec les Landes.

 
Au petit camping à l'entrée de la ville, me voyant regarder les prix avec étonnement, la gérante me dit que c'est 6€ pour les vélos. Vendu.

Le lendemain me voici un peu plus en jambes. Je gagne St-Jean-Pied-de-Port avant midi, fait le tour de la ville et m'offre un café après déjeuné avant d'attaquer à 15h l'ascension du col d'Ibaneta.

 porte de St-Jacques, début du pèlerinage

 St-Jean-Pied-de-Port : rue d'Espagne

La montée régulière mais un peu difficile pour une première étape de montagne se fait en fin d'après-midi à l'abri des versants ombragés.
A un kilomètre du sommet je croise Fabio assis à côté de son vélo. Il a commencé l'ascension à 10h30 mais s'est perdu en prenant le chemin piéton, a crevé, s'est fait dépanné par deux polonaises, et N'EN PEUT PLUS.
Quand je lui dis que Roncevaux est tout proche, son esprit pense auberge et son estomac bière. Il repart. L'énergie revient. Il me prend en photo au col et s'arrête un kilomètre plus loin pour la nuit à l'auberge.


Roncevaux, début du camino francès : c'est parti pour 790 km...

La fin de journée est un régal. Passé le Puerto de Erro à 801 mètres, les pentes assez sèches me font atteindre dans les descentes les 60 km/k sans relances. Je bivouaque avant d'arriver à Pampelune après une belle étape pyrénéenne.

Sortir d'un bivouac peut s'avérer une gageure. C'est ce qui m'arrive ce matin en voulant quitter mon campement. Le sentier en escalier que j'ai pris hier dans la descente est infranchissable dans la montée. Je m'apprête à décharger tout le vélo pour passer l'obstacle. Mais je suis sur le chemin de St Jacques. Bientôt deux randonneurs arrivent. L'homme se propose de m'aider. C'est pas de refus. Me revoilà dare dare sur le chemin où piétons et cyclistes se côtoient sans difficulté.

Je gagne Pampelune par une piste cyclable longeant la rivière qui me mène directement à la porte de France et à la cité contenue par les remparts. La visite est appréciée : cathédrale, place de Castille, arènes, rues piétonnes, parcs ombragés ou évoluent des daims...

 PAMPELUNE : cathédrale...

 place de Castille

 parc

 remparts

 porte de France

En quittant Pampelune je m'égare en voulant éviter le chemin de St-Jacques des marcheurs. Stoppé à Galar pour essayer de retrouver ma route, un homme en voiture s'arrête, m'intime de le suivre, me conduit à un chemin que je suis sur 800 mètres et retombe … sur le chemin piéton.
Il était dit que je ferais aujourd'hui l'ascension de l'Alto del Perdon par ce chemin muletier. Du chemin et des cailloux. Ma mule se cabre à plusieurs reprises, et passé le village de Zariquiogi, il faudra que je pousse mon équipage plusieurs fois pour arriver au sommet. Jamais Hammer n'aurait voulu passer par là !
Je ne regrette pas de m'être perdu. La montée fut lente et chaotique mais le panorama au sommet splendide. J'y apprend en plus que Sao Paulo n'est qu'à 8500 km !

 deux photos prises au même endroit : ce qui est fait...

...et ce qui reste à faire



Cette fois-ci je descends par la route. Tout schuss vers Puente la Reina. Que du bonheur.
L'intérieur de l'église vaut le détour. Eclairés par quelques minuscules vitraux, les retables gigantesques de l'autel se devinent à peine dans l'obscurité de l'édifice.

église de Puente la Reina

La journée s'achève quelques kilomètres plus loin par un bivouac avec vue sur l'Alto del Perdon.

 

Aujourd'hui je descends pour quitter le bivouac : la journée devrait être plus tranquille...
Pour éviter les détours je m'en tiens au topo-guide ; j'utilise le camino des randonneurs uniquement lorsqu'il est pratiquable avec ma mule.
Très vite je me mets quasiment au diapason de la marche. Je roule avec lenteur en m'imprégnant des paysages de Navarre. Blés, vignes, sommets de colline asséchées squattés désormais par les éoliennes (ou molinos de viento comme me l'a dit hier un Espagnol).
Plus la matinée avance et plus le chemin disperse les marcheurs écrasés par la chaleur ; je deviens le fil qui les relie les uns aux autres.



Les villes et villages traversés rivalisent de beauté avec leurs églises fortifiées, leurs retables grandiloquents, leurs cloîtres fleuris, leurs façades de maisons aux couleurs chatoyantes.

église fortifiée de Villattuerta

retable de l'église de Los Arcos

 cloître d'Estella

cloître de Los Arcos


Sansol

A ce jeu, c'est le village de Sansol qui remporte la palme. Son église à moitié en ruine me fait penser à la cathédrale de St Pierre de Maillezais, sauf qu'en lieu et place du marais il y a les paysages de Navarre et un petit centre ville enchanteur. 

 
A force de flâner l'étape risque de se prolonger à la nuit. Je passe donc Logrono en coup de vent malgré sa belle cathédrale et ses autres monuments.


Dans ma hâte je fais un mauvaise interprétation du topo. Me voici à nouveau sur le chemin piéton, sur une piste sablonneuse et caillouteuse serpentant parmi les vignes qui n'a rien à envier aux pires routes lettones. Le passage au petit col se fait par un sentier muletier où il me faudra à nouveau pousser ma monture.


Ce soir c'est camping pour me laver de toute la poussière du camino.


L'étape vers Burgos commence sous la bruine. Les paysages viticoles de la Rioja se devinent à peine dans le lointain, mais le balisage jaune du camino remet toujours le pèlerin dans le droit chemin.


J'emprunte routes et pistes vicinales parfois de mauvaises qualité, et comme le chemin longe souvent la nationale, je ne m'interdis pas quelques escapades sur le bitume.

Villes et villages se succèdent à nouveau, et il faudrait passer une demi-journée dans chaque pour découvrir quelles histoires se cachent derrière chaque monument. Il ne me reste sur mon vélo que l'alternative de les deviner, ou de les inventer.

En arrivant en Castille et Léon, un grand panneau m'indique la route à suivre. 

 
Le passage d'un col à plus de 1000 mètres avec une pente à 6% pendant 3 kilomètres sur une route en bitume me change des sempiternelles petites côtes du camino. Ça fait du bien aux cuisses de monter sans à coups.
Passé le monastère de San Juan de Ortega dont une partie de l'église se visite librement, il ne restera plus très long pour rejoindre Burgos et sa magnifique cathédrale.

le repos du pèlerin

monastère de San Juan de Ortega

cathédrale de Burgos