(samedi) Burgos était déjà au
programme de ma vuelta de 2006. Je profite donc de la matinée pour
mettre à jour le blog. Le wi-fi est gratuit quatre heures par jour
dans plusieurs lieux de la ville. Il suffit de s'inscrire à l'office
de tourisme en échange du code d'accès. Je choisis le bar de la
gare routière (avec électricité) pour me raccorder à un fil de la
Toile planétaire.
Je retrouve pour cette étape
les mêmes routes rectilignes de la Meseta balayées par le vent
d'est. En 2006 je roulais sur le bitume. Aujourd'hui j'apprivoise les
chemins du camino.
Véritable épreuve pour le
marcheur qui doit s'imposer un rythme sur ces pistes blanches et
brûlantes, le cycliste qui a le vent pour ami est quasiment en
balade.
Le pueblo d'Hontanas est une
halte étonnante, niché dans une cavité du plateau castillan à
l'abri du vent.
Le village-rue de Castrojeriz
aussi avec ses trois églises monumentales.
Une côte à 12% permet l'accès
à l'Alto de Mostelares. La vue au sommet mérite les efforts. La
descente à 18% se fait sur une portion bitumée.
Le soleil de fin d'après-midi
offre des images postales de cette région d'Espagne où les
éoliennes règnent en maîtresses au sommet de canyons aplatis par
les éléments.
La Meseta avoisine par endroits
les mille mètres d'altitude. Il faudra en rajouter plus de trois
mille pour l'Alto bolivien avec un vent qui fait passer l'éole
castillan pour une brise estivale. Je n'ose même pas y penser !
Je finis la journée par un
bivouac sur les berges du canal de Castille, à tout juste cinq
kilomètres de l'endroit où je m'étais arrêté en 2006. Un hasard.
(dimanche) L'étape vers Leon
est d'une platitude rectiligne ; la balade continue pour le
cycliste et le chemin de croix pour le marcheur.
Les longues lignes droites
dominicales, comme la via Aquitania, longent de très loin les Monts
Cantabriques. Les rares montées ne suffiront pas à briser la
monotonie de la route. Restent les villes et villages au patrimoine
toujours riche...
via Aquitania
monts Cantarbriques
église-forteresse des Templiers (Villalcazar del Sirga)
Ermita del Virgen del Puente
Sahagun : arche de San Benito
Le centre ville est incontournable, articulé autour de
son joyau gothique : la cathédrale aux 1800 mètres carrés de
vitraux. Leon n'est pas jumelée avec Chartres par hasard.
plaza mayor et son ancien hôtel de ville
maison Botin (Gaudi)
palais Guzman
collégiale de San Isidro de style roman primitif
couvent de San Marco à la façade monumentale plateresque
maisons de troglodytes
La journée de vélo est entamée
comme hier. La piste suit la nationale avec paresse.
Le Puente Viejo, pont moyenâgeux
à vingt arches au dessus du Rio Orbigo est magnifique et marque le
début d'une fin d'étape plus distrayante.
La piste de pierre et de sable
qui se dévoile après le passage d'un petit troupeau de moutons
dirigé par des chiens joueurs donne le ton.
Une vue se dégage bientôt sur
la ville d'Astorga, magnifique elle aussi, autour de sa plaza Mayor et
de sa cathédrale au porche étonnant.
Le soleil est encore haut. J'en
profite pour rouler encore un peu et trouve un bivouac idéal au
milieu d'un petit bois de chênes lièges.
(mardi) A la fontaine de Rabanal
del Camino ce matin, je croise ce couple de Belges avec leur âne
Champagne. Depuis 1999, ils parcourent depuis Namur le chemin de
St-Jacques en plusieurs étapes. Ils ont commencé avec leurs six
enfants, et Champagne était attelé alors à une charrette. Puis au
fil du temps, les enfants ont fait défection les uns après les
autres, et ils ne sont plus que tous les deux avec leur petit chien
pour rallier Santiago.
La charge de l'âne s'est
allégée au fil des années ; mais de doute façon, quelque
soit le poids transporté, je crois que Champagne est heureux!
C'est l'ascension aujourd'hui du
col de la Cruz de Ferro, point culminant de ce camino, à 1405 mètres
d'altitude. Pas de difficulté cependant, puisque la montée sur
route est régulière.
Un poteau de bois de cinq mètres
couronné d'une croix en fer en constitue le sommet. Des pierres
symbolisant l'abandon de leurs fautes ont été déposé au fil des
ans par les pèlerins.
A la bascule, c'est un véritable
paysage de montagnes qui s'offre à moi.
Puis vient une descente très
sèche et très longue jusqu'à Ponferrada. Cette ville industrieuse est
dominée par l'imposante forteresse des Templiers.
Je poursuis ma route un peu
l'après-midi et stoppe à Villafranca del Bierzo avant d'entamer
demain la deuxième étape de montagne.
el Castillo
couvent St-Nicolas
(mercredi) Je repars bien reposé
pour une superbe étape de montagne.
Je longe dans un premier temps
en le remontant le rio Pereje jusqu'à Vega. Le tracé de l'autoroute
est plus rectiligne et aérien. Les nombreux ponts qui le constituent
atteignent des hauteurs vertigineuses faisant des autoroutes du nord
de l'Espagne de monumentales œuvres d'art en béton.
Après Vega l'ascension
commence. Je gagne 700 mètres d'altitude jusqu'au col de Cebreiro
sur une route tranquille à la pente régulière. Arrivé en haut, il
ne me reste plus qu'à savourer le cheminement en balcon jusqu'au col
final de Poio en faisant quelques incursions dans de petits villages
aux toits de lauze.
Dans la descente, avant le
monumental Monasterio de Samos, je bats mon record de vitesse avec
62,10 km/h affiché au compteur.
A Sarria j'entre en Galice. Bien
que descendu à 400 mètres d'altitude l'itinéraire reste accidenté.
Je gagne des petites pistes
desservant des localités exclusivement agricoles et atteint la borne
indiquant 100 km pour Santiago. Encore quatre jours pour les
marcheurs ; une étape pour moi.
Le soleil décline, et il m'est
bien difficile de trouver un champ où planter ma tente qui ne soit
pas vu du camino ou occupé par les bovins.
(jeudi) La nuit fut abominable.
Nourriture mal digérée (une conserve infâme et un emmental un peu
coulant) ; eau des fontaines pas toujours très clean ; peut-être un peu de tout ça. En tout cas le réveil est famélique.
Un petit café et un cookie. Et me voilà tel un zombie à déambuler
sur les pistes agricoles qui descendent sur Portomarin. Un zombie
peut agressif ; je tiens une forme indigeste.
A Portomarin la fin de la
matinée est occupée à dormir dans un parc pour récupérer un peu
de la nuit avec bouteilles de sodas à la main. Un vrai coup de mou !
Pas mieux au resto où le porc
grillé et un coca sont les seuls aliments qu'acceptent mon estomac.
Moi qui pensait déjà être à Santiago !
Je reprends malgré tout la
route avec comme objectif Palas del Rei situé à 25 kilomètres. Je
ne suis pas à la fête sur ces routes de Galice en montagnes russes.
Les bars qui fleurissent sur la camino me fournissent en coca, mon
seul carburant du jour.
Et puis en fin d'après-midi la
route devient plus étroite. Champs bocagers, chemin ombragé de feuillus …
le topoguide à raison, on se croirait en Bretagne.
J'accepte à nouveau l'eau des
fontaines, quelques barres de céréales, et me voilà un peu
ragaillardi quand j'arrive à Palas. 35 kilomètres : la plus
courte mais la plus dure de mes étapes du camino.
Pas de camping d'indiqué en
ville. J'avise une auberge qui affiche complet.
« El camping ; si, si
… arriba »
Aïe je craignais ce mot là. Il
me faut remonter toute la rue par laquelle je suis arrivé.
A l'accueil de l'auberge « Os
Chacotes », on me confirme que planter « la tienda de
campana » est possible, et c'est gratuit. Une sorte de bivouac
autorisé, avec accès à un petit bloc de sanitaires jusqu'à 20
heures.
La journée se termine bien
mieux qu'elle n'a commencé !
(vendredi/samedi) Cette fois-ci
c'est bien la dernière étape pour St-Jacques de Compostelle, même
si les derniers kilomètres sur les routes accidentées de Galice ne
sont pas les plus faciles.
horreos : grenier à céréales typiques de Galice
Le camino aura finalement eu
raison de moi, comme beaucoup de randonneurs qui, à pied ou à vélo,
se seront démenés sur ces pistes parfois ardues pour arriver en
vue des flèches de la cathédrale.
A chacun sa vitesse, à chacun
son parcours, comme cet Autrichien qui entre deux cycles d'études est
parti depuis Vienne depuis trois mois pour réaliser à pied son
chemin de St-Jacques. Il était venu m voir à la Cruz de Ferro impressionné par le chargement du vélo ; je suis reparti aussi impressionné que lui par son périple.
A Santiago, il ne faut pas
manquer la messe du pèlerin. Elle a lieu tous les jours à midi dans
la cathédrale. Les randonneurs y assistent en nombre et la nef et
les travées sont archi-combles.
Le pèlerinage, qui pour
certains est un itinéraire culturel, se termine pour beaucoup ici,
sous les hautes pierres de l'église dédiée à l'apôtre Jacques,
autour de l'autel au dessus duquel est suspendu le botafumeiro,
l'encensoir géant, qui lorsqu'il est mis en mouvement passe au ras
du sol à une vitesse de 68km/h.
Santiago de Compostella : les flèches de la Cathédrale
randonneurs et cyclistes sur la place avant l'office de midi
Santiago : place de la cathédrale
Santiago : cloître de l'Université