jeudi 24 juillet 2014

Argent, Pêche, Sucre



A Oruro, je décide de revenir en arrière pour avoir un aperçu de ce qui est souvent décrit comme la plus belle ville du pays, à savoir Sucre.
Je reprends donc la route 1 sur 30 kilomètres, et tourne à gauche en direction de Huanuni, qui après 20 kilomètres s’avère être une petite ville minière d’importance lovée au pied de la sierra.


A l’entrée, un panneau annonce l’arrivée du gaz pour tous. En attendant, un camion rempli de bombones prévient de sa venue à coups de klaxons, et les habitants qui en ont besoin échangent leurs bouteilles vides contre des pleines.
Contrairement à Pulacayo, Huanuni est une ville bien vivante, avec me dit-on plus de 30 000 habitants. Pas de bowling, mais une salle de billards et de nombreux petits restaurants, où une fois n’est pas coutume je me réfugie dans une pizzéria.
Les jeunes Boliviens étant fans de jeux en réseaux, il m’est en plus facile de trouver des points internet.

La route 6 passe devant les infrastructures minières


puis monte pendant presque 25 kilomètres, d’abord doucement le long du rio, puis plus franchement pour passer au dessus de la montagne, m’offrant au sommet une vue d’ensemble sur les difficultés à venir.

 
S’ensuit une longue descente jusqu’a Llallagua, autre ville minière bien plus importante.


 
Paysage du nord, fait de terrils et de corons, mais à plus de 3500 mètres d’altitude. Les collines artificielles sont ici très impressionnantes et semblent vouloir rivaliser en hauteur avec les sommets naturels.



 
Je loge à une dizaine de kilomètres à Uncia où le bitume prend fin.
Mais là aussi les pelleteuses sont au travail. La piste de terre qui part d’Uncia est bien aplanie, et je récupère rapidement une route asphaltée que ces ouvriers m’autorisent à emprunter.

en quittant Uncia


Ils s’amuseront entre eux de mes grands pieds. Et c’est un fait constaté que les sud-américains chaussent petit, car depuis le nord de l’Argentine, il m’a été pour l’instant impossible de trouver du 45, du moins dans un design convenable.

Je profite donc du bitume pour moi seul jusqu’à Lagunillas, posée au bord d’un lac…


… et où la piste de terre reprend ses droits

 
passage devant une petite mine où les charriots finissent leur course dans le rio

 
et arrivée au village animé de Chuqiuta qui semble perdu au milieu de nulle part


La piste évolue par une succession de montées et de descentes dans un décor de canyons aux points de vue époustouflants : dure mais superbe étape de cyclotourisme.




Après les ouvriers en début de journée, ce sont les métreurs qui me sollicitent pour la photo.

 
La future route de bitume doit faire au minimum douze mètres de largeur. Ils posent donc des bornes dans les fossés pour indiquer aux pelleteuses les endroits où déblayer.
Mais comme la piste que je viens d’emprunter est parfois large de cinq mètres maximum, il faudra encore quelques années pour arriver au terme du chantier.

Le camion-stop fonctionne plutôt bien en Bolivie ; 7 bolivianos pour environ 50 kilomètres alors que le bus en demande 10 (1 euro).



Beaucoup de ruraux attendent sur le bord de la route le passage d’un camion, pour ensuite vendre leur production dans les villes ou villages : directement du producteur au consommateur.

J’aimerais pouvoir monter les côtes sans m’essouffler aussi bien que cette gardienne de moutons, qui gravissait cette montagne au pourcentage ahurissant comme si elle se promenait sur le remblai des Sables !    

 

Dans les villes, je trouve toujours à me loger pour 3 ou 4 euros, sans ou avec télé. Les toilettes ici existent, mais sans chasse d’eau. Un réservoir avec une pelle à eau à l’entrée  permet l’évacuation. Un peu réticent au début, c’est plutôt efficace ; juste une technique à prendre.


L’église de Poctoa m’intrigue ce dimanche matin. Quasiment cachée par des bâtiments qui lui sont postérieurs, je ne l’avais pas vu en arrivant hier au soir.

 
Mais ses dimensions sont étonnantes. Je frappe donc à la porte de la maison paroissiale où on m’annonce une construction du 18ème siècle. L’intérieur en mauvais état laisse à penser à un long travail de restauration.



En quittant le village, je fais un bout de chemin avec Helena. Enseignante à Sucre, elle possède ici quelques terres.
En posant devant le rio qui les irrigue, elle déplore l’existence des mines d’argent plus haut dans la sierra qui ont contaminé ses eaux.


Je passe ainsi des villes minières au champs agricoles. Paysage quasiment plat de pampa qui me mène jusqu’à Macha.
Un peu d’élevage de moutons et de vaches, maïs, blé, ainsi que de nombreux pêchers que je retrouve partout en vente sous forme de jus autour des places centrales des villages.

Les canaux d’irrigation permettent l’arrivée de l’eau directement dans les champs, ce que j’avais déjà observé en Argentine un peu avant d’arriver à Salta. Techniques ancestrales utilisées par les Quechuas, dont la langue est d’ailleurs ici beaucoup utilisée.


Macha est adossée au pied de la montagne.


 En la voyant de loin, je ne pensais pas que le chemin qui partait en lacet vers le sommet était la piste pour Ocuri.


La pente sur ce chemin de cailloux est telle que j’avance une fois moins vite qu’un piéton. Je m’oblige à plusieurs pauses, et après plus d’une heure de crapahute et moins de 5 kilomètres parcourus, je décide de bivouaquer dans un abri à moutons.

 
Le ryhtme n’est guère plus rapide le lendemain. La route se contente de traverser les vallées : à peine descendu au village situé au bord du rio qu’il me faut remonter la piste qui gravit la montagne.


Entre  Poctoa et Ocuri, les 65 kilomètres effectués en deux étapes se font à la moyenne record de 8 km/h !
Et le jour suivant se fait sur le même tempo. Aux cailloux se mêle le sable, si bien que les descentes se font sur les freins à moins de 12 à l’heure.
A cette allure j’ai le temps de voir du paysage.





Pas fâché d’arriver à Ravelo, où mon entrée comme dans les autres vilages ne passe pas inaperçu, avec rires ou sourires et des “eh gringo” qui fusent.
En entrant le soir dans le petit office de tourisme, on me propose une visite guidée des alentours avec un guide en apprentissage. Quand je rentre dans la salle où se tient le cours d’anglais, cinq volontaires se proposent aussitôt. Me voici donc en balade autour du “Castillo”, forteresse naturelle qui surplombe le village, avec cinq guides qui me content les légendes Aymaras ou Incas qui hantent les lieux.
Invité le soir à dîner, j’essaierai de capter quelques mots de Quecha que les gens parlent naturellement entre eux.
Je ne retiendrai que le mot “pachi”, à savoir merci !

vallée de Ravelo

La dernière étape commence sur du bitume ; c’est fou comment un peu d’asphalte facilite la vie, et est un facteur de désenclavement considérable pour ces régions parfois isolées.

 Et quand je retrouve pendant 15 kilomètres une piste sableuse en travaux aux pourcentages parfois ardus, mon rythme chute quasiment de moitié.


La descente sur Sucre annonce quelques jours de repos…


mercredi 16 juillet 2014

salar d'Uyuni


Je quitte  Uyuni alors que commence une petite feria qui va durer deux jours ; mauvais timing.

La route vers Oruro où se prépare le passage au bitume est sillonnée par les 4/4 qui me soulèvent pas mal de poussière.


Je m’arrête à Colchani, petit village artisanal où le musée du sel et du lama m’en apprend davantage sur ce milieu singulier que constitue le salar d’Uyuni.




Le soir, je suis rejoint dans mon petit logement de sel par un cycliste espagnol qui vient de passer deux jours dans le salar.



César me raconte sa traversée du sud-Lipez, où il a été contraint de faire demi-tour dans l’ascension d’un col à 4900 mètres d’altitude où le vent violent l’a empêché d’atteindre le sommet avant la nuit.
Puis quand je lui parle de mon périple depuis Santos, ça fait tilt dans sa tête :
“Mais on s’est déjà croisé sur la route…”
“(…) ?! Ah mais oui, César des Canaries, on s’est parlé vingt minutes sur la carretera austral ”
Ni l’un ni l’autre ne nous sommes reconnus. Il faut croire qu’on a beaucoup changé en quelques mois.


Nous nous quittons le lendemain, lui rejoignant La Paz par la route de Potosi que j’ai empruntée il y a trois jours.
Je fais quant à moi mes premiers pas dans le salar. Le volcan Thunapa me sert de repère au nord-ouest. 


Mais c’est plein ouest que je me dirige, en direction de l’isla Incahuasi, qui distante de 70 kilomètres reste pour le moment invisible.

Pas compliqué m’a dit César. Il suffit de suivre la piste noire tracée par les jeeps. Sauf que bientôt deux pistes se séparent.


A l’aide de la boussole je prends celle de droite qui me semble aller le plus vers l’ouest. Erreur. Je me rends compte assez vite qu’elle part en direction du volcan. D’où les limites de la boussole et de l’intérêt du GPS. Un jour peut-être…
Une autre piste qui part vers le sud-ouest me remet sur la bonne voie, avec les 4/4 qui arrivent bientôt pour me confirner la direction à suivre.


A midi, j’aperçois au loin l’île, petit point dans l’horizon distant d’une trentaine de kilomètres.
Pause déjeûner où il est bien difficile de trouver un appui pour Paulo…



Rouler à vélo sur cette mer de sel est une expérience étonnante, où l’on apprécie ici mieux qu’ailleurs la rotondité de la terre.
La couche supérieure où se forment pendant la saison sèche les hexagones contient de l’halite.


Mais en dessous de la couche de sel cristallisé existe un lac souterrain contenant une haute concentration de saumure.
Des trous d’eau apparaissent ainsi parfois sur la piste, comme sur la banquise.


Bientôt l’île d’Incahuasi se fait de plus en plus grosse, jusqu’à ce que j’y aperçoive les cactus qui font sa renommée.





César avait campé au milieu du salar : l’eau avait congelé sous la tente ; je préfère utiliser quant à moi le logement mis à disposition par Alfredo.
Le soir chasse les dernières Jeeps. Car on ne roule pas de nuit sur le salar. Une moto arrive pourtant à la nuit tombée. C’est celle de l’Anglais Ian. Il était déjà arrivé sur l’île à midi. Mais pour rejoindre San Juan dans le sud-Lipez, plutôt que de prendre la piste directe vers le sud, il a fait un petit détour par l’ouest du salar. A l’écart des routes tracées par les Jeeps, il s’est trouvé embourbé dans la couche poreuse de saumure. Après de multiples efforts pour dégager son engin, il a fini par faire demi-tour, d’où son arrivée nocturne à Incahuasi.




Après mangé, et une fois lancé sur le sujet, Alfredo ne manque pas d’anecdotes sur les pièges du salar. Comme cet homme qui après s’être embourbé en voiture a mis trois jours pour rejoindre l’île à pied en arrivant exténué et en titubant.
Ou comme cet autre qui s’étant endormi au volant est venu percuté l’île. Le seul mort du salar à la connaissance d’Alfredo.

Après avoir bu le matecito, préparé avec des plantes de l’île,


je jette un oeil sur le livre d’or, où se rejoignent en quelques pages des voyageurs du monde entier, à pied, à vélo, en moto ou en voiture. J’y trouve d’ailleurs la trace du passage de gens rencontrés plus au sud.

Ian et nos hôtes d'un soir

Le lendemain, en me dirigeant vers le pied du volcan, je décide de m’écarter de la piste des Jeeps pour prendre quelques derniers clichés du salar.
Je pose Paulo sacoches contre terre, m’allonge à ses côtés, joue un peu de la perspective, puis reprends la route.

une photo prémonitoire du 1/4 d'heure à venir...

histoire de perspective

Pas longtemps. Alors que je démarre à deux à l’heure, la roue avant se cabre : sebbavelo à terre pour la première fois de ce voyage. J’aurais aimé pouvoir dire avoir glorieusememt combattu dans la saumure, mais non … je me suis juste vautré lamentablement dans l’halite.
Comme souvent, les bras partent en avant pour amortir la chute. C’est la main droite qui s’y est collée, et l’auriculaire qui a tout pris. Plié en deux.
Mais le visage a eu le temps de goûter à la mer de sel. Du front au menton, en passant par le nez et la lèvre supérieure, tapant au passage dans la gencive : le salar m’a laissé en guise d’adieu une cicatrice verticale faciale des plus piquantes.
Pas de casse matérielle, ni de vêtemement déchiré ; c’est le squelette qui a tout pris !

La tête et les jambes fonctionnent normalement ; je regagne donc la terre ferme en contournant le volcan Thunapa par l’ouest.

le village de Tahua au pied du salar
A Alianza, les habitants du village fêtent l’anniversaire du cacique. C’est encore l’après-midi mais la bière a déjà bien coulé. On m’offre un demi-verre, on me serre la main tout en continuant de danser ; à peine remarque-t-on mon visage tuméfié.


Alors que je prends congé, une femme âgée extraie d’un sac en plastique des feuilles de coca et m’en verse une bonne poignée dans la main tout en m’enjoignant de la mâcher
“avec ça mon gars, tu vas être demain à Oruro”, doit-t-elle penser. 


Mais non. Le chemin de caillou aura raison de la chambre à air qui explosera au bout de 5 kilomètres. Il y a des jours comme ça…
Je bivouaque donc à l’abri du vent dans cet enclos à lamas avec vue sur le volcan.


En inspectant les dégâts du jour, je comprends mieux pourquoi on institait pour me donner autant de coca !!


Je reprends le lendemain matin la piste là où je l’ai laissée, en avançant sans déplaisir à un rythme d’escargot qui me permet de profiter de ce paysage champêtre

à  gauche la piste ; à droite le salar…



… et au milieu une vie paisible



peu de circulation, et beaucoup de déplacement à moto



le salar n’est jamais loin



A Salinas de Garcia Mendoza, je trouve quasiment de tout pour ravitailler.


Je récupère un axe plus important, de terre toujours, avec cette fois-ci de la tôle qui secoue pas mal.

quand je me retourne, le volcan Thunapa se fait de plus en plus petit


L’eau prise à la fontaine de Salinas était annoncée potable, mais mon estomac en a décidé autrement, et décide de jouer à la nuit tombée une partition un peu molle ; mais bon, avec ce soir un magnifique lever de lune, c’est toujours mieux que de regarder l’image fixe du calendrier des Postes !  


L’itinéraire jusqu’à Quillacas est là aussi en plein bouleversement : de nombreux passages sont déjà pré-asphaltés, et les travaux semblent avancer rapidement. Mais comme c’est dimanche, je me joue des déviations pour rester sur la route en vacance des bulldozers.
A peine devrai-je subir pendant quelques kilomètres une piste sableuse sous le regard des vigognes.







A partir de Quillacas, je retrouve pour de bon le bitume. A gauche le lac Poópo, que l’on devine au loin ; à droite une chaîne de montagne ; au milieu une succession de faux-plats montants et descendants dont la monotonie est rompue par la traversée de villages parfois très animés autour de la place centrale.

Las des éternels poulets au riz, je délaisse les comedors populaires, et prends place sur un banc au bord de la route pour déguster pour moins d’un euro de la viande de lama servie avec maïs ou châtaignes.




Et en dessert un jus de bananes pressées avec des galettes de soja suffisent à mon bonheur.

Il ne me reste plus qu’à gagner Oruro. L’entrée se fait par une 4 voies plutôt industrieuse ; mais une fois arrivé au centre, je me retrouve bientôt dans le dépaysement d’une grande ville bolivienne.



Les marchés s’y multiplent et débordent souvent dans les rues adjacentes.





Oruro est célèbre pour son carnaval qui se déroule avant Pâques. En ce mois de juillet, c’est une ville animée mais peu touristique où je me plais à découvrir quelques uns de ses monuments au gré de mes déplacements.

phare de Conchupata




Santuario del Socavón...

... en dessous duquel se visite un musée sur a mine


Une journée off avant de reprendre le vélo…