lundi 28 octobre 2013

de ports en lacs et de lacs en lagunes

En venant à porto Alegre, je ne pensais pas entrer dans une ville aussi grande.
Charles qui m'accueille chez lui via le réseau warmshower m'annonce 1,5 millions d'habitants pour l'agglomération, ce qui en fait une des dix plus grandes du Brésil.

Porto Alegre fait partie de ces villes dont les premiers abords donnent envie de faire demi-tour. Mais quand on réussit à dénicher le centre historique alors on trouve quelques perles qui ne font pas regretter le détour.

 Mercado

 mairie

 museo do Comando Militar

 igreja Nossa Senhora das Dores

Tout s'articule autour du Mercado et de la Praça Matriz. La cathédrale dont les travaux ont commencé en 1921 impressionne avec ses lignes extérieures d'inspiration Renaissance et son intérieur grandiloquent avec ses piliers en marbre.


La rue piétonne qui part du Mercado est pleine d'animation et Paulo sera l'objet de quelques sollicitations. Quel cabot.


rua dos Andradas

 estuaire du Gaiba

 rua Espirito Santo


A 15h j'appelle mon hôte pour savoir s'il est chez lui. Moi qui pensais que les cabines téléphoniques en forme de grande oreille fonctionnaient avec des pièces, j'en suis quitte pour partir à la recherche d'une carte de téléphone que je trouverai après plusieurs interrogations dans le magasin le plus improbable qu'il soit : un petit atelier de couture !


Je gagne le quartier où habite Charles où il faut montrer patte blanche au gardien pour entrer dans l'appartement.
La vue depuis la terrasse commune sur cette métropole en phase de modernisation est saisissante.



Le stadium a subi une forte rénovation pour la prochaine Coupe du Monde.


Peut-être l'équipe de France jouera-t-elle à Porto Alegre ? (ben quoi on peut rêver)

Ensuite c'est parti pour une petite visite à vélo d'un autre Porto Alegre que je n'aurais jamais découvert seul.
On rejoint une amie Aline au parc de Farroupilha où on s'enfile chacun trois verres de jus de fruit de suite dans une Lancheria populaire. Chacun sa tournée. Pastèque pour Charles ; orange et mangue pour Aline ; pomme et banane pour moi. Les fruits sont pressés en direct et devant nos yeux ; du pur jus brésilien.
Nous voilà rassasiés pour la vraie balade à vélo. Aline mène la danse et comme elle est coursière à vélo il faut s'accrocher pour la suivre. Rues à contresens et feux rouges sont son quotidien et l'on rejoint à vitesse grand V d'autres amis musiciens ou jongleurs qui se retrouvent sur une petite place du centre où l'on déguste le maté version brésilienne, le chimarrão.



Le retour par le parc qui longe la mer ne nous empêchera pas à Charles et à moi de se prendre une méchante averse qui ne nous laissera plus un poil de sec.
Ainsi s'achève mon séjour à Porto Alegre chez ce sympathique couple de trentenaires de la classe moyenne et leur fille unique.
Lui étudiant en master de géographie. Elle professeur d'espagnol à l'Université. Une vie ordinaire dans une métropole brésilienne.

Le lendemain la route vers la Lagoa dos Patos est moins enchanteresse. Longue ligne droite avec ces camions et un bas-côté souvent défoncé. L’œil constamment dans le rétro j'arrive malgré tout à imprimer un rythme pour une étape réservée aux rouleurs.

Peu avant Capivari Do Sul un panneau adjoint aux voitures de ralentir à cause d'un campement d'indigènes ; quelques maisons en bois, un homme travaillant un panier, des objets artisanaux à vendre sur le bord de la route : il ne reste sur cette côte du Brésil que peu de place aux indigènes.
Le côté de la cathédrale de Porto Alegre est d'ailleurs éloquent : il montre des figures d'indigènes écrasés par tout le poids de l'édifice symbolisant la domination des Jésuites sur les premiers habitants du Nouveau Monde.


La BR 101 vers le sud perd ici son statut de route fédérale. Plus que deux voies, une circulation moins dense, je n'en suis que plus tranquille.


J'entre dans le domaine des Gauchos, que je verrai parfois escorter leur troupeau sur leurs chevaux.
Je verrai même un dimanche une petite partie de « rodeio ».






La route file de façon rectiligne sur la lagune entre l'océan et la Lagoa Dos Patos.
Au moins j'avance malgré les orages qui me font réfugier sous les abri-bus ou dans cette station service encore en travaux où je partage l'espace avec deux autres individus.



Hier le vent me pousse. Aujourd'hui il est contre moi. Je prends la mesure de cette route qui longe bientôt le PN Lagoa do Peixe, réserve ornithologique d'importance.



La route asphaltée poursuit vers le sud en empruntant une digue qui se fraie un chemin entre pâturages et forêts de pins, dont on récolte parfois la sève.


La lagune se resserre entre l'océan et le lac de Patos et Eole s'engouffre avec gourmandise sur cette étroite bande de terre. Je prends du vent plein la figure ; pas trop mon style de route mais ça passe quand même.
Je m'arrête tôt ce jour là même si j'ai assez peu roulé. Dès que les vents tournerons nous nous en allerons.

Puis le jour suivant le vent me pousse à nouveau ; j'arrive rapidement à Sao José do Norte où je prends un ferry pour Rio Grande. Etrange ferry : le bac où sont rangées les voitures n'est pas solidaire du bateau qui le tracte.

Sao José do Norte


Rio Grande ressemble un peu à Paranagua, ville portuaire au centre historique un peu défraîchi. Je ne m'y attarde pas et file par ses banlieues aux logements parfois sommaires où l'on se déplace autant à cheval qu'à bicyclette.

Je longe de nouveaux lacs en empruntant la BR 471 pour l'Uruguay.


Je reste bloqué une matinée au hameau de Sarandi en attendant que l'orage et la pluie continue cessent. J'ai comme abri une petite dépendance de la mairie (« prefeituro ») où les gens du village viennent discuter en passant devant moi. 

 
Un homme avec qui je parle arrête une camionnette qui entre dans Sarandi. Il en ressort avec deux petits plateaux en alu. Il revient vers moi et il m'en donne un : c'est un petit repas complet tout chaud. J'ai à peine le temps de dire quoi que ce doit qu'il est déjà parti. Il a eu pitié du cycliste trempé. Quelle gentillesse !
Le geste est apprécié d'autant plus que le mini-mercado m'offrait comme ravitaillement que gâteaux et conserves.

Selon les dires des villageois la pluie doit s'arrêter. Je repars donc après midi suite à une accalmie.
Mais il me faudra attendre 17h pour voir le soleil. La traversée complète du parc écologique du Taim se fera sous la pluie et vent de face.
Je verrai beaucoup d'animaux écrasés sur le bord de la route, comme des capybaras et de petits caïmans mais dont le plus gros atteint une taille respectable. Difficile de comprendre comment on peut laisser les énormes camions traverser la réserve : un vrai massacre !
Je verrai malgré tout des oiseaux bien vivants, ainsi que ces énormes capybaras (le plus gros rongeur au monde) qui après un cri d'alerte plongent dans l'eau dès qu'ils me voient arriver.
Seul celui-ci (il est vrai situé assez loin) pausera sous la pluie devant mon objectif.



le soleil arrive un peu tard : j'ai déjà quitté la réserve

Je multiplie les bivouacs même s'ils sont difficiles à trouver. Tous les accès aux lacs ou à la mer sont privatisés. La route est entourée de clôtures et j'ai ce soir là bien de la chance d'accéder à ce petit chemin sableux non fermé qui me mène à cet arbre entouré de verdure situé en plein milieu des pâturages qui glissent jusqu'aux abords du lac.


La dernière étape vers la frontière est longue et épuisante. Le vent de sud me freine toute la journée et la ville de Santa Vitoria Do Palmar où je comptais loger se dérobe à ma vue.
Ultime bivouac donc au Brésil où je force le passage d'un bois lui aussi clôturé et où je plante la tente en compagnie de l'unique locataire, un cheval tout blanc et pas très embêtant.


Ainsi s'achève cette virée quasiment non-stop depuis Porto Alegre jusqu'à la frontière. J'y ai pris des trombes d'eau et du vent de face à volonté sur un itinéraire complètement plat. Les zones de bivouac espacées et les ravitaillements peu nombreux et sommaires m'ont obligé à poursuivre ma route dans des conditions climatiques très changeantes.
Un petit aperçu version soft de ce qui m'attend peut-être plus tard plus au sud.

Je passe en matinée Santa Vitoria Do Palmar, ville-rue agréable qui offre un accès au lac de Mirim, et gagne ma première frontière sud-américaine à Chui.

 Santa Vitoria

Le douanier brésilien, plutôt sympa, s'enquiert de mon trajet à venir ; je pourrai même utiliser les sanitaires sans avoir à chanter la Marseillaise !
Je file ensuite vers la ville où je passe la nuit avant de continuer demain en Uruguay.


lundi 21 octobre 2013

et au milieu coule un canyon

Je quitte Florianapolis en passant par l'agréable petit centre ville articulé autour du Mercado et de la cathédrale.



Je prends un peu de hauteur également pour prendre un cliché du pont suspendu qui n'est plus utilisé mais qui représente la carte postale de la ville.


Puis je retourne dans la montagne que je retrouve telle que je l'ai laissée à partir du village de Sao Bonifacio avec ses allures très autrichiennes.



Les petits hameaux ressemblent beaucoup à ceux de Batuva, avec leur église évangélique, leurs maisons avec parabole, et l'école située à l'écart.



S'ajoutent à ce décor pastoral de nombreuses petites scieries.


Les pistes brésiliennes manquent cruellement d'indications, et je me retrouve sans crier gare à Sao Martinho. Mais ce petit détour est sans conséquences. Au contraire il me permet de récupérer une petite carte de la région, avec quelques kilométrages et des indications sur l'état du réseau routier. Du luxe.

 
Si j'avais suivi le littoral entre Garopaba et Imbituba un chemin cyclable passant dans les dunes m'aurait peut-être permis d'apercevoir des baleines franches. Disparues après quatre siècles de pêche intensive elles sont réapparues dans les années 1980. Mais on ne peut pas tout voir.

Je profite de la douceur de la station thermale de Gravatal, réputée pour ses eaux à 36° riches en fluor, pour goûter avec mes voisins de camping aux « pitangas », petits fruits me dit-on riches en vitamines, et appartenant au nom moins exotique arbre du nom de « jabuticaba ».





Puis après l'Allemagne, j'entre à partir d'Orleans sur les terres italiennes. Les émigrants sont venus en masse de Venise ou de Trévise à la fin du 19ème siècle et y ont imprimé leur culture.
Orleans, ville de 20 000 habitants, avait été reçue en dot par la princesse Isabelle, et doit son nom à son mari, le Comte d'Eu, ou Louis Philippe Gaston d'Orléans ; il y a juste un accent qui s'est perdu dans l'histoire.


La frise à l'entrée de la ville qui commémore le centenaire de la colonisation permet de revoir en images quelques pans de cette histoire brésilienne. 




 
Plus étonnantes sont ces énormes sculptures de l'artiste local Zé Diabo taillées dans la falaise au dessus du rio. Paulo se fait tout petit devant les scènes bibliques.



A quelques kilomètres seulement Urussanga est au centre d'une région viticole réputée. Les caves à vin parfois colorées s'alignent le long de la place centrale.




Criciuma avec presque 200 000 habitants fait office de capitale de cette petite Italie ; pour le coup la route aussi devient plus italienne avec une circulation qui se densifie et une périphérie plus industrielle (céramique, teinture ou matériaux de construction).


De Forquilhinha à Jacinto Machado la route évoluant dans un décor de rizières devient complètement plane. Les aigrettes se jouent de mon appareil.



J'avance même si c'est sous la pluie. Mais la piste pour Praia Grande me ralentit d'un coup, me faisant passer de 20 à 10 km/h de moyenne.
Passés les plantations de bananes je retrouve les rizières mais cette fois-ci encadrées par des montagnes plus hautes : je suis sur le chemin des canyons.











Sur ma carte de l'office du tourisme, la route qui monte à l'assaut du Parc National Dos Aparados Da Serra est en pointillé vert, signe qu'elle est est en train d'être bitumée. Et en effet les premiers kilomètres alternent entre terre et goudron. Pas pour longtemps. La piste reprend bien vite ses droits. Tant mieux pour la survie du Parc et de ses habitants, tels le jaguar, l'once ou l'araucaria.
Mais ce n'est que partie remise. Les intérêts économiques devraient relancer les travaux. Situé à quelques encablures de l'autoroute du sud les canyons sont d'un attrait considérable pour la pratique d'activités sportives et touristiques. Une route bien lisse en faciliterait l'accès.


Pour moi ce sont 14 kilomètres de montée bien sèche sur une route de cailloux. Effort et concentration sont requis pour rester en selle. Je fais corps avec la machine, appuyant de façon forte et régulière sur les pédales pour avancer en esquivant sans arrêt le caillou trop gros ou trop lisse qui enverrait ruer Paulo.
Les kilos perdus m'allègent l'esprit et malgré mon allure d'escargot c'est sur ces routes là que je m'envole. Sans doute un peu maso, mais cette étape est un régal, malgré le haut de la piste encore boueux qui m'oblige à quelques glissades et relances hasardeuses.
Tout à gauche pour la transmission.
Cyclotage à fond les pignons.





Arrivé au sommet du plateau à 900 mètres d'altitude je bifurque à gauche vers une des entrées du Parc pour visiter le canyon d'Itaimbezinho, sans doute le plus spectaculaire.
Comme les deux gardiennes sont sympas je demande l'autorisation de planter ma tente le soir à côté de leur guérite. Accordée. Je pars donc tranquille pour la visite en après-midi du canyon que j'atteins après une piste de 3 kilomètres.
Un couple (lui Hollandais elle Brésilienne) y revient pour la deuxième fois car il n'ont rien vu il y a deux jours à cause d'un brouillard constant. Ils auront plus de chance aujourd'hui. Les nappes de brouillard ne sont que des voiles qui laissent apparaître des bouts de roche pour finalement se lever complètement. Les spectacle de ses énormes falaises entre lesquelles coule un ruisseau est saisissant. Les oiseaux s'y amusent en jouant à la chute libre.
Comme je dors sur place je profite seul après le départ des derniers visiteurs de cette vue magnifique : cette cascade qui se jette avec un fracas sourd au fond du canyon et ces massifs forestiers situés au sommet des falaises me donnent le sentiment d'observer une sorte de paradis originel.









Que la nuit fut reposante.


Je poursuis le lendemain vers Cambara do Sul sur ce plateau d'altitude où la fraîcheur matinale m'est bien agréable.
En tournant à gauche je récupère le bitume. Je continue ma progressions sur le plateau dans un décor de pâturages et de forêts de pins, sorte de mixage entre le haut bocage et les forêts à perte de vue de Finlande.




Cette une région dédiée à l'élevage et à l'industrie du bois où la présence humaine en dehors des fazendas  est quasiment absente.
Les zones de bivouacs se multiplient même si la place est parfois étroite entre le fossé et le fil barbelé. Les troupeaux étant aussi parqués dans les pinèdes je reste du bon côté des barbelés : peut-être y a-t-il quelques taureaux à traîner et je ne me sens pas l'âme d'un picador !



Curiosité géologique que ce canyon qui vient quasiment mourir dans le mer, m'a dit hier le Néerlandais ; de plus, toutes les eaux du plateau s'écoulent vers l'ouest vers le bassin versant de l'Uruguay pour venir grossir ensuite l'Atlantique au niveau du Rio de la Plata, l'espèce de gigantesque estuaire qui sépare Buenos Aires de Montevidéo.


Après Sao Francisco de Paula, sympathique bourgade dédiée à l'élevage, je descends franchement de façon quasi continue jusqu'à Taquara, puis je rejoins Porto Alegre après ces deux étapes autour des canyons qui m'ont fait découvrir une nouvelle facette de ce pays. 

Sao Francisco de Paula