La
sierra de Salamanca m'amène sur le plateau où je rejoins la route
3.
Au
croisement avec la piste je fais la rencontre d'Arril. Il passe avec
sa machine pour damer les pistes de la province. Bien qu'il vive à
Sarmiento, il loge pendant ses missions dans un petit mobile home
qu'il déplace au fil de son avancée. J'y partage le maté avec lui
avant de filer sur la route où je récupère le vent d'ouest froid,
sec et fort qui vient du Chili.
Comodoro
Rivadavia est la capitale de la province du Chubut qui vit depuis un
siècle de la manne du pétrole.
Le
musée du pétrole y a bien sa place.
La
cathédrale de style gothique moderne date de 1978. L'intérieur,
avec sa grande peinture murale au dessus de l'autel mérite le
détour.
Le
petit musée sur le train aussi, à l'époque où les produits
agricoles de la région de Sarmiento étaient acheminés par voie
ferroviaire au port de Comodoro.
On y trouve en plus de belles maquettes sur tous les phares de la Patagonie, où on confirme que le plus vieux est bien celui de Condor, la ville des perroquets.
On y trouve en plus de belles maquettes sur tous les phares de la Patagonie, où on confirme que le plus vieux est bien celui de Condor, la ville des perroquets.
La
ville est très cosmopolite. Avec ses origines européennes d'abord,
et cet hommage rendu par les immigrants italiens.
Mais
surtout par sa diversité ethnique, où l'on croise de nombreux
Boliviens, Péruviens et autres habitants d'Amérique latine, ce dont
m'avait parlé Arril.
Je
file à 15 kilomètres au sud à Rada Tilly pour voir une colonie de
lions de mer qui s'est établie à 2 kilomètres de la plage au bout
de la Punta Marquès.
Le
petit centre d'interprétation permet d'en savoir plus sur ces
animaux chassés quasiment jusqu'à extinction au siècle dernier
pour la confection de vêtements.
Les
deux jeunes qui gardent l'entrée sont passionnés par leur travail
et sont très investis dans la conservation de la flore et de la
faune patagone.
Rada Tilly
Punta Marquès
La
nuit au camping fut agitée. Rada Tilly n'est pas la capitale du char
à voile pour rien.
Les
rafales de vent sont tellement fortes que toute la poussière de la
ville vient se réfugier dans les absides de la tente, heurte les
portes de la toile intérieure, et les plus fines particules
finissent par rentrer par le maillage pourtant étroit de la
moustiquaire.
Je
me retrouve au matin avec une belle petite couche de poussière toute
tamisée.
Ma
maison a des murs de poussière. Les fixations ont bien souffert.
Moins que celle de la petite colonie qui s'est installée à côté.
La moitié des tentes est quasiment parterre, et quand je vais pour
prendre mon petit-dèj le matin, le sol de la cuisine est squatté
par une bonne partie des enfants qui ont dû se réfugier ici pendant
la nuit.
Le
lendemain, sur la route 3, le vent a fait des dégâts : ce
n'est pas de la poussière (polvo) dont ce camion couché sur le
bas-côté aurait dû se méfier.
Je
poursuis donc ma route vers le sud, par la route 3, qui longe la mer
jusqu'à Caleta Olivia, avant de remonter sur le plateau patagon en
empruntant de petits canyons bien venteux.
Costa Azul
Chaque
jour je m'efforce de résoudre cette petite équation mathématique
intégrant des vecteurs force dont les paramètres sont sans cesse
changeants :
P
+ F(V) + F(M) = ∑(E)
où
P représente le poids du vélo, F(V) la force du vent, F(M) la force
motrice, ou force des mollets, et ∑(E)
une somme … d'Emmerdements !
Je
profite d'un bivouac en face le golfe de San Jorge pour assister au
lever de soleil sur la mer.
Caleta
Olivia est une ville également tournée vers l'exploitation du
pétrole. Les derricks situés sur le bord de la route 3 donnent
l'impression que le pétrole une fois extrait du sous-sol y est
directement déversé dans les camions de la compagnie « YPF »
qui desservent toutes les stations de l'Argentine.
Caleta Olivia
A
partir de Fitz Roy la route 3 quitte l'Atlantique. Les points de
ravitaillement se font rares. Le pueblo de Tres Cerros (« trois
sommets ») n'est en fait qu'une station service où je ne
trouverai que quelques laitages, de l'eau et des sandwichs un poil
trop secs.
Tres Cerros
Dans
ce paysage de steppe la flore se réduit à quelques épineux au ras
du sol. Les fleurs qui s'épanouissent au printemps ont leurs racines
qui courent parallèlement au sol pour capter le maximum d'eau issues
des quelques précipitations réparties sur l'ensemble de l'année.
La
faune comprend de nombreux petits rongeurs, des reptiles ou des
tatous.
J'y
croise toujours lièvres et nandous.
Les
guanacos donnent l'alerte dès qu'ils me voient arriver et
s'enfoncent dans la steppe en sautant par dessus les clôtures.
Ce
jour là, une fois arrivé sur le lieu où ils se sont échappés, je
remarque une masse inerte sur ma droite. Je quitte la route, et suis
bien surpris de trouver un guanaco qui a raté son saut. Il gît sur
le sol de façon grotesque avec son long cou enroulé par terre et
une patte postérieure prise dans un fil de la clôture, qui
heureusement n'est pas barbelé.
J'essaie
de lui dégager la patte, mais rien à faire, elle est
irrémédiablement coincée. Je vais chercher mon couteau, et l'oeil
du guanaco s'affole un peu à la vue de la lame. Pas le choix,
j'entame une coupe énergique du fil de fer épais pour libérer
l'animal, qui se vautre sur le sol une fois sa patte dégagée.
Le
temps d'aller chercher l'appareil et l'oiseau est déjà au loin,
boitillant assez sévèrement.
Je
m'en vais reprendre Paulo lorsque je vois en contrebas un autre
guanaco prisonnier de la clôture. Décidément il sont dû vraiment
s'affoler en prenant la fuite.
Comme
j'ai l'appareil en main je filme mon approche, et y découvre un
jeune guanaco, complètement paniqué quand il me voit arriver.
jeune guanaco (vidéo)
jeune guanaco (vidéo)
Je
stoppe rapidement la caméra et libère le jeune animal, cette
fois-ci plus facilement que l'adulte car le fil de fer avait déjà
été arraché.
Dès
qu'il a les quatre pattes sur le plancher des vaches le jeune
maladroit se carapate aussitôt en rejoignant en boitant la horde qui
a suivi toute la scène de très très loin.
Peut-être
que les gauchos qui surveillent l'état des clôtures (à cheval
comme je l'ai vu faire il y quelques jours) trouvent-ils des guanacos
morts qu'ils se servent le soir à dîner ?
La
monotonie de la route est parfois rompue par quelques rencontres,
comme ces deux motards argentins qui rentrent à Buenos Aires après
avoir gagné la Terre de Feu par la route 40.
Ou
par ce magnifique circuit côtier de 30 kilomètres qui me fait
gagner Puerto San Julian par une piste parfois difficile mais qui me
réserve de superbes images sur les plages quasi désertes du nord de
la ville.
Le
mirage Dagger pointe son nez vers l'océan. Cet avion réalisa la
première mission depuis la base aérienne en direction des Malouines
le 1er mai 1982.
La
guerre avec le Royaume-Uni fit rage, et Miss Maggie y conforta son
titre de « Dame de fer ». Les Anglais sont encore
aujourd'hui en possession de ces îles qu'ils appellent Falkland.
Magellan
célébra à San Julian sa première messe sur le sol argentin le 1er
avril 1520. Un monument commémore l'événement.
Le
Nao Victoria est une réplique de l'embarcation du navigateur
portugais. La visite est malheureusement impossible aujourd'hui, car
le vent y est trop fort.
Ce
vent d'ouest m'empêche de reprendre la route ce midi. Je change mes
plans et opte pour une étape de nuit.
Avant
le départ à 19h30 ce futur cyclotouriste vient me souhaiter bonne
chance.
Le
vent est encore fort et les 3 kilomètres pour rejoindre la route 3
sont bien difficiles. Le soleil décline lentement et la lune prend
peu à peu le relais au nord-est.
Je
franchis à l'aube le Rio Chico, et arrive au matin à Piedra Buena
où les rives herbeuse et arborées le long du Rio Santa Cruz me
permettent de me reposer de cette nuit froide.
Je
reprends le vélo le dimanche matin en direction du sud toujours.
Cette fois le vent souffle du nord-est. J'en profite donc pour
doubler l'étape ; plus de 200 kilomètres d'une journée toute
finlandaise où guanacos et épineux remplacent rennes et résineux.
Le
climat devient plus norvégien, avec le froid maintenant installé
depuis quelques jours et de nombreux nuages sans pluie pour le
moment.
Je
traverse trois fleuves, dont le Rio Coyle, avec sa colonie de
flamants roses, et ses pêcheurs de truite de mer.
Je
dors au bord du Rio Gallegos, à 25 kilomètres de la ville éponyme
que je gagnerai demain.
La
nuit fut d'un calme absolu, mais dès le matin le vent revient en
force. Le temps de prendre ma douche, et la tente s'envole.
Un
pêcheur vient m'aider pour la replier avant que les dégâts ne
soient trop importants. Bilan : un arceau cassé, et un bout de
toile déchiré.
J'en
ai décidément pas terminé avec ce vent, véritable fléau patagon.
Rio
Gallegos n'est qu'à 25 kilomètres, et comme le vent pousse j'y
arrive quasiment sans pédaler.