A
Rio Gallegos les vents à 100 km/h sont monnaie courante. Pas
étonnant que la tente mal arrimée sur un sol dur ait eu du mal à
tenir le choc. Les dégâts après remontage le lendemain ont été
plus importants que prévus.
Je quitte Rio Gallegos plus tôt que prévu. Le temps est au vélo, à savoir que je peux enfourcher Paulo sans que le vent ne me mette à terre.
Je
crèche donc seul dans le désert patagon le soir du 24 avec pour
remplacer le bœuf et l'âne, le guanaco et le mouton. Un Noël très
originel.
Pas
de repas de luxe non plus. C'est qu'entre Rio Gallegos et Rio Grande,
je ne compte pas sur du ravitaillement (à part de l'eau), car je
n'ai pas obtenu encore d'argent chilien. Rationnement donc pendant
380 kilomètres.
A
la frontière les Chiliens font signer un formulaire qui stipule
entre autre que l'on ne transporte pas de nourriture d'origine
animale ou végétale. Je le signe sans rien déclarer malgré mon
saucisson, mon fromage et mes fruits multiples, m'exposant ainsi à
une amende.
A
la détection des bagages la fonctionnaire choisit les deux sacoches
avant (où j'ai toutes mes victuailles) et les passe dans le tapis
roulant. Elle a sans doute vu la marchandise prohibée mais me rend
les sacoches sans rien me dire. Cadeau de Noël du 25 décembre
peut-être ? De toute façon je n'ai pas d'argent pour payer
l'amende !
La
route 3 argentine s'arrête momentanément et est remplacée par la
255 chilienne qui plonge vers le détroit de Magellan. Mais le
passage du ferry se fait 30 kilomètres plus bas au sud-ouest où le
détroit devient un goulet.
C'est
donc parti pour 30 kilomètres de vent de face ou de côté d'une
violence parfois telle que je ne peux que zigzaguer sur toute la
largeur de la chaussée. C'est le 25 décembre heureusement et le
trafic est quasi nul. Le vent patagon me jette avec hargne ses
derniers maléfices avant de me livrer sain et sauf à la Terre de
Feu.
La
traversée du détroit dure vingt minutes avec un tangage assez
prononcé ; une voiture et un vélo dans ce sens seulement.
Mais
camions et voitures sont plus nombreux à attendre à Bahia Azul pour
gagner le continent après un Noël passé en Terre de feu.
Le
nord de l'île est un désert humide inscrit à la liste mondiale des
sites Ramsar.
La piste qui le traverse ne sera bientôt plus qu'un
mauvais souvenir, au grand dam du cyclo-voyageur en quête
d'exotisme. Pelleteuses et dameuse sont à l’œuvre pour préparer
le passage au bitume d'ici à quelques années.
Nouveau
passage de frontière à l'estancia de San Sebastian où je récupère
la route 3.
Rio
Grande, bien qu'agréable, ne vaut que par ses nombreux rios et lacs
alentours où l'on pratique la pêche à la truite.
On
y trouve aussi le complexe de la mission salésienne de 1893 dont le
but était d'évangéliser les Indiens Omas.
J'y
croise Josh, mon premier cyclotouriste depuis l'inconnu de Puerto
Madryn, qui part vers l'Alaska avec sa guitare sur le porte-bagage,
ainsi qu'un couple de jeunes Argentins quelques kilomètres plus
loin.
Durant
ces trois mois d'été austral je risque d'en rencontrer ainsi
plusieurs par jour.
La
station YPF est en Argentine une institution du bord de route. Il y a
souvent une longue file d'attente pour y faire le plein d'essence.
J'y
remplis quant à moi mes bidons d'eau depuis que je traverse la
steppe ; j' y trouve souvent un point internet, et m'y réchauffe
aujourd'hui à Tolhuin d'un café en y faisant la rencontre de ce
motard hollandais qui semble bien plus souffrir du froid sur sa
bécane que moi sur mon vélo.
Mais
Tolhuin est l'occasion de passer la nuit dans une autre véritable
institution, la Panaderia la Union. Emilio y accueille les cyclistes
de passage pour rien. Je m'y réfugie donc en fin d'après-midi avec
deux Américaines et un japonais qui en terminent demain avec leur
voyage.
La
Panaderia est fréquentée par tous les habitants de la ville en ce
dimanche, et pas seulement parce qu'il pleut dehors : les
viennoiseries et empanadas y sont succulentes et la boulangerie ne
désemplit pas jusqu'au soir … un business qui tourne.
La
dernière étape avant Ushuaïa se savoure comme il se doit. La route
3 passe le paso Garibaldi avec un superbe point de vue sur le lac
Escondido.
La
ville est coincée entre le canal de Beagle et les montagnes andines.
Même si elle n'a pas le charme des bourgades scandinaves, elle
mérite selon moi son titre de ville de bout du monde, d'autant plus
que j'y arrive après un long périple sur la route 3 parfois bien
monotone.
Là
où le Français dira volontiers, « ouais, c'est pas mal »,
l'Argentin dira plus expressément que c'est super. Alors comme un Argentin, je dirai Ushuaïa, c'est "lindo".
J'y
passe le réveillon au camping Andino. Des voyageurs de tous horizons
y partagent le vin chaud à partir de 23h30, et alors que la nuit est
à peine tombée, les coupes de champagne sortent de dessous le
manteau pour célébrer le passage à la nouvelle année.
Le
lendemain après-midi, la randonnée au sommet du glacier Martial, à
825m au dessus du niveau de la mer, permet de garder la tête froide.
La vue sur le canal de Beagle et Ushuaïa y est imprenable.
Ushuaïa
est une impasse. Pour quitter la Terre de Feu, deux solutions se
présentent : par la route (et donc refaire le même itinéraire
sur plus de 300 km) ou par la mer.
La
deuxième option me plaît davantage, mais est plus compliquée. Elle
se fait en deux temps, passage de frontière oblige. D'abord la
traversée du canal de Beagle jusqu'à l'île chilienne de Navarino ;
puis remontée vers le détroit de Magellan pour gagner Punta Arenas.
De
Puerto Williams, sur l'île Navarino, un seul départ par semaine est
prévu. Mais le ferry du 4 janvier est complet. Je réserve donc pour
le 11. Une semaine à patienter avant de reprendre le périple à
vélo.
Les
alentours d'Ushuaïa devraient m'occuper sans problème, à l'image
de ce renard qui est venu me dire bonjour alors que je bivouaquais à
quelques kilomètres seulement de la ville.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.