lundi 13 janvier 2014

Isla Navarino

La route 3 termine sa course à travers la Terre de Feu en apothéose, par la traversée d'une partie du Parc National Tierra del Fuego.



Mais il existe une route encore plus australe. Il me faut franchir le canal de Beagle pour l'atteindre. Le zodiac contient facilement les sept passagers et les deux pilotes. Mais Paulo lesté de toutes ses sacoches constitue une charge anormalement lourde qui intrigue le fonctionnaire chargé de donner le feu vert pour le départ de la petite embarcation.
Non, non, pas de passager clandestin. Feu vert accordé donc.




Ça secoue pas mal sur le zodiac. Le moteur est stoppé deux fois pour ôter les algues, et la traversée prévue en 25 minutes en fera 45.



Arrivés à Puerto Navarino, le transfert via le poste de douane de Puerto Williams situé à 45 kilomètres se fait en van. Mais après chargement de tous les bagages, une chose est sûre, il ne reste plus de place pour Paulo.
J'essaie de négocier sans conviction une arrivée à la douane sur ma monture, en vain : tous les passagers doivent être enregistrés en même temps.
Je laisse donc Paulo à contre cœur sur le bord du canal ; un pick-up assurera son transfert une heure après mon arrivée à Puerto Williams.


La capitale de l'île n'a pas les attraits d'Ushuaïa. C'est ce qui fait son charme.
La base navale fut fondée en 1953 pour peupler cette partie du Chili, ultime bastion défensif face à l'Argentine. De la guerre ouverte ou larvée que se livre ces deux pays d'Amérique du Sud, il reste parfois quelques vestiges, comme cette armée obsolète pointée vers la Terre de Feu.


Dans cette bourgade de quelques 2000 habitants les petites maisons de bois adossées aux montagnes se regroupent autour de quelques places séparées par des routes de terre.





Quelques chantiers en cours autour du port laissent envisager un développement à venir des infrastructures. Autant profiter de ce lieu hors du temps en face le canal de Beagle où quelques dizaines de touristes seulement y débarquent chaque jour.











L'île de Navarino est un concentré de nature sauvage. A l'office de tourisme où je demande conseil pour une rando d'un jour, l'hôtesse me donne bien deux ou trois pistes, mais elle préfère me prévenir : ici, c'est la nature qui guide tes pas.
Je pars à l'assaut de la montagne, mais après deux jours de pluie continue dans la vallée je n'ai pas besoin de monter très haut pour trouver de la neige. A moins de 600 mètres d'altitude le sentier délimité par de simples cairns n'est bientôt plus visible. 




 
Je n'irai pas jusqu'au col et profite du premier rio qui plonge vers la vallée pour court-circuiter la boucle qui manque cruellement de repères. Le ruisseau devient cascade à deux reprises et le longer s'apparente parfois à du canyoning sur terre avec quelques glissades un peu fun.
Pas fâché d'arriver le long du fleuve malgré quelques tourbières à franchir où l'on s'enfonce jusqu'au mollets.



Avec le mauvais temps je m'abrite souvent à la bibliothèque ou au musée, qui disposent en plus d'une connexion internet.
Au village yamana d'Ukika où je réside , situé au bord d'une rivière à quelques centaines de mètres de Puerto Williams, Christian, Andréa et le professeur de musique préparent la première « fiesta de la Luna » qui se déroule dans la nuit de vendredi.

village Yamana d'Ukika

Centro cultural, à côté duquel j'ai campé deux jours
 
Je donne un petit coup de main, entre planches à scier pour l'estrade de l'orchestre, ou bois à collecter pour les deux ou trois foyers qui vont brûler toute la nuit.

à droite, Christian, qui m'a ouvert les portes du village


Pour une première la fête est plutôt réussie. Des habitants de Puerto Williams ainsi que des touristes de passage s'y retrouvent autour de quelques groupes de musique locaux, en consommant la soupe au vin blanc, des empanadas ou des anticuchos (brochettes de légumes). 

dernière collecte de bois avant la nuit ;
en bas la fête a déjà commencé autour des feux de camp 


 

J'y croise Benoît Marie, un jeune Nantais qui vient de remporter la mini-transat. C'est une vraie pile électrique. Peut-être un nom à retenir pour les prochains Vendée Globe...
Il est ici en vacances et revient d'une promenade en voilier autour des îles australes avec son parrain de métier, Jean-Luc Van Den Heede lequel, malgré ses nombreux tours de monde, n'avait jamais posé pied au Cap Horn ; c'est désormais chose faite.
Un autre marin amateur de glace, Philippe Poupon, semble aussi avoir ses quartiers au Club nautique de Yates de Puerto Williams.

Le lendemain, avant de prendre congé, le professeur de musique qui avec quelques autres a veillé toute la nuit, me joue une petite chanson d'adieu.
Il me fera effacer quelques vidéos, car la fatigue aidant, il est peu satisfait du résultat.
En filmant, je fais machinalement un panoramique autour de ceux assis autour du feu, dont Andréa et la femme et la fille de Christian, ainsi que quelques villageois yamanas situés à ma gauche.
Très vite, l'une d'entre eux réagit, en me disant qu'ils refusent de se faire photographier.

chanson d'adieu  (vidéo, 1')


Petite bourde de ma part, que je corrige après la chanson en tendant à celle qui s'est manifestée l'appareil et en lui demandant de prendre les clichés suivants, ce qu'elle fera avec un sourire.


 la nuit fut longue



Je laisse dans la caisse du Centro Cultural une petite somme, en remerciement de m'avoir permis de camper librement, et en espérant que la petite association va grandir au fil du temps.
Chistian m'a dit que la langue yamana y était apprise par les habitants du village d'Ukika, afin que la culture de ce peuple ne soit pas complètement détruite ; Cristina Calderon reste la seule personne à pouvoir parler cette langue naturellement.

Dans quelques heures je reprends le ferry pour le continent. Mon séjour sur l'île Navarino a été trop court. Il faudrait y rester plusieurs semaines pour pouvoir profiter longuement d'un tel endroit, où chasse et pêche se pratiquent librement sans aucune autorisation.
Avis aux amateurs de grands espaces, certes un peu froids et pluvieux !


Le trajet pour Punta Arenas dure trente heures. Les repas sont fournis, et les horaires fixés à l'avance (8h – 12h – 18h) ne sont pas sans me rappeler un autre voyage, un peu plus long.
Le paysage est grandiose, avec les glaciers qui viennent mourir directement dans la mer, et les otaries qui viennent jouer à distance raisonnable.





Canal de Beagle, puis détroit de Magellan : la navigation est plutôt tranquille jusqu'au port d'arrivée. Le bateau a pris du retard cependant au départ et ceux qui le veulent peuvent passer la nuit à bord. Ça m'arrange plutôt, car il pleut, et en plus je n'ai pas de logement d'assuré ce soir.
Je profite donc d'une deuxième nuit au chaud, avant de retrouver demain la terre ferme, le vélo, et bientôt le vent patagon qui j'en suis sûr me fera la bise … bien que j'eusse préférer qu'il me fît la brise !




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