Je quitte Cananéia et le
camping des Bromélias avec regret. Silvia a été un hôte d'une
incroyable gentillesse.
Ce matin il appelle quelques
unes de ses connaissances pour s'enquérir du chemin que je compte
suivre, et notamment de l'état d'une piste qui est en très mauvais
état sur neuf kilomètres et qu'il m'a incité à ne pas prendre.
Mais je n'ai pas envie d'autoroute.
Ceci fait il me trace
l'itinéraire sur un bout de papier avec les directions à suivre et
les kilométrages entre les villes et les villages.
Je prends un nouveau bac pour
quitter l'île de Cananéia et trouve bientôt une piste bien
roulante qui m'emmène jusqu'à Santa Maria et sa Pousada Telegrafo
que m'a indiqué Silvia.
Il est 14 heures et je continue
pour aller voir l'état de la mauvaise piste.
Après 3 kilomètres faciles
malgré quelques passages boueux j'arrive à l'école. Mais là ça
se complique car deux mauvais chemins s'annoncent. Comme l'école est
vide je reviens à la Pousada où je décide de passer la nuit.
J'attends l'arrivée du patron
prévue vers 19h30 en compagnie de Marcos qui s'occupe du petit
comptoir. J'apprends qu'il travaille ici mais habite à Cananéia.
Quelques voisins s'arrêtent
pour discuter, dont un homme au chapeau qui me fait penser à Tommy
Lee Jones. Scène de vie intemporelle dans ce petit village d'une
centaine d'habitants aux airs de Far West avec ses gamins qui jouent
au base-ball sur le terrain de foot où ce jeune qui revient de la
chasse avec machette à la ceinture et fusil sur l'épaule.
Marcos me fait l'inventaire des
animaux de la forêt tropicale, dont de nombreux serpents venimeux
et des jaguars.
Il me montre aussi sa
Lamborghini, cadeau d'une de ses sœurs, dans laquelle il a rentré
quelques unes de ses musiques favorites.
C'est au son du jukebox que je
vois débarquer Daniel à bord du bus de transport scolaire. Il me
dit qu'il est « monitor » à
Cananéia et qu'il rentre tous les soirs à Santa Maria pour
retrouver sa Pousada.
La maison n'est pas le grand
luxe et la propreté laisse franchement à désirer, mais Daniel
prépare un repas de bonne facture.
Il me montre le livre d'un
cycliste brésilien, « Trilhando Sonhos » de Thiago
Fantinatti, qui parti du Brésil a effectué une boucle en passant
par Ushuaïa de plus de 15000 km : peut-être un exemple à
suivre pour moi...
Le lendemain je quitte tôt
Santa Maria en espérant faire plus que les 55 kilomètres d'hier.
Quelle blague !
Daniel m'a indiqué le chemin à
suivre après l'école. Je suis dépassé par l'institutrice qui s'y
fait conduire en moto.
Le chemin est détrempé car
comble de malchance pour moi il a plu toute la nuit, alors qu'hier il
était quasiment sec.
A partir de l'école le chemin
de croix commence. Je suis tout de suite dans l'ambiance dans ce qui
va être mon programme de la journée : 6 kilomètres à
parcourir sur une piste non seulement trempée mais impraticable à
vélo.
Après 500 mètres parcourus en
une demi-heure je me dis qu'il serait sage de faire demi-tour. Mais
je croise deux femmes qui viennent de Batuva et je me dis que le
chemin est peut-être meilleur plus loin. Tu parles.
Des rondins posés
horizontalement aux planches de bois devenues de vraies savonnettes,
des flaques dans lesquelles Paulo s'enfonce jusqu'aux roues aux mini
rus à traverser je ne suis pas à la fête.
Par temps sec ça aurait été
juste très difficile, mais par temps humide c'est l'enfer.
Il me faut sans cesse pousser le
vélo tout en le soulevant pour éviter qu'il s'enlise et prendre un
peu d'élan pour passer les mares d'eau jaunâtre.
Alors que je longe un ruisseau
mes pieds se dérobent sur la berge molle. Je chute et me trouve le
cul dans l'eau. Paulo hésite un peu, puis bon camarade me rejoins
dans la flotte, le cul lui aussi dans l'eau à la verticale et la
roue avant restée sur le chemin. Comme il m'est impossible de le
remonter, je le ramène à l'horizontal dans le ruisseau et le
déleste de toutes les sacoches pour le ramener sur la piste.
Et c'est ainsi que je vais
progresser lamentablement sur les passages difficiles : je fais
avancer d'abord Paulo, puis je retourne en arrière pour ramener en
deux fois les sacoches.
Il me faudra 7 heures pour
parcourir 6 kilomètres ; un record ! Et comme si tout
n'était pas déjà si difficile les deux derniers kilomètres se
font en montées et descentes sur un chemin muletier dont je me
rappellerai longtemps. Comme le chemin de Saint-Jacques était doux.
Et puis après une ultime
descente où j'ai peine à retenir le vélo tant les freins sont
maculés de boue je retrouve une route, certes empierrée, mais une
route : Batuva. Jamais ce nom m'aura paru aussi charmant. Toute
la journée j'ai pensé à ce village comme à un paradis à
atteindre. Et les voilà enfin ces quelques maisons perdues au milieu
de nulle part. Ca y est, Christophe Colomb a trouvé son Eldorado.
A l'unique bar pas encore ouvert
à 15 heures je profite d'un point d'eau public pour faire un
nettoyage complet du vélo et des sacoches, puis je gagne la Pousada
dont un habitant de Santa Maria m'avait parlé pour un repos plus que
mérité.
Le lendemain je fais le point sur la situation. Morretes se situe pour moi à la croisée de deux chemins : à l'ouest le Paraguay par Curitiba et les chutes d'Iguaçu ; au Sud Buenos Aires par l'Uruguay. Les chutes n'étant forcément les plus spectaculaires à cette époque de l'année je continue de longer la côte atlantique.
Après avoir un peu rempli ma bourse je regagne Morretes par l'omnibus (ônibus), dont le jeu du chauffeur est de savoir si les gens assis dans les abris bus espacés le long de la quatre voies attendent réellement le bus où profitent juste d'une place assise.
A faire aussi à Morretes, c'est le petit train touristique qui monte jusqu'à Curitiba avec des points de vue spectaculaires ; mais les horaires ne correspondaient malheureusement pas.
Le lendemain matin je suis bien
trop content de retrouver une route pour me soucier de l'état de la
piste ou de la pluie d'orage soutenue qui m'accompagne pendant de
longues minutes : je roule et c'est déjà suffisant.
Au bout de 20 kilomètres je
récupère la piste qui à gauche conduit à Guaraçaba. De là un
bateau pourrait m'emmener en plus de deux heures à Paranagua, mais
comme le gérant de la Pousada n'était pas sûr des horaires, je
préfère continuer à droite la route qui contourne la baie.
Les villages traversés sont à
l'image de Batuva : des maisons en brique ou en bois parfois sur
pilotis avec l'antenne satellite, un bar ou un restaurant souvent
unique au centre des habitations très dispersées le long de la
voie, l'église évangélique et l'école.
A midi j'ai déjà fait 50
kilomètres et les 70 annoncés sur la carte de Silva pour Paranagua
me semblent bien hypothétiques. Je continue sur cette piste en
montagnes russes avec des petits cols à franchir au milieu des
serras couvertes de végétation luxuriante. Une chose est certaine :
je ne mourrai pas de soif car les sources qui descendent de la
montagne sont nombreuses.
La route compacte est très
caillouteuse et s'avère difficile à négocier sur les portions à
fort pourcentage. Puis la pluie d'orage revient en milieu
d'après-midi pour ne pas me lâcher jusqu'au terme de l'étape.
La route goudronnée apparaît
après 85 kilomètres au compteur, et il m'en reste encore 25 à
accomplir pour arriver trempé, éreinté et courbaturé par les
efforts de la veille à Morretes, située à 40 km de Paranagua que
je n'atteindrai pas ce soir.
Le lendemain je fais le point sur la situation. Morretes se situe pour moi à la croisée de deux chemins : à l'ouest le Paraguay par Curitiba et les chutes d'Iguaçu ; au Sud Buenos Aires par l'Uruguay. Les chutes n'étant forcément les plus spectaculaires à cette époque de l'année je continue de longer la côte atlantique.
Mais il faut d'abord récupérer
un peu d'argent. Les villes jusqu'alors traversées un peu à l'écart
des circuits touristiques ne disposent pas de bancomats. L'occasion
de visiter la ville de Paranagua que je gagne aujourd'hui en bus.
Les abords de la ville ne sont
pas très reluisants. J'aperçois à gauche les containers pour la
plupart estampillés « Hambourg » qui me sont devenus
maintenant familiers et qui annoncent le port de marchandises où le
Sambhar a fait escale il y a quelques jours.
Le centre historique n'est pas
non plus à voir absolument. Le bâtiment du musée d'histoire et
géographie ne paye pas de mine ; l'intérieur non plus. Deux
petites salles où s'entassent dans des petites vitrines des objets
de toutes sortes, de vieux téléphones, des machines à écrire, des
balances, des écrans d'ordinateurs … une sorte de brocante mais où
on ne peut rien acheter !
Mais la visite est plutôt
distrayante.
L'intérêt de la ville réside
dans sa proximité de l'Ilha do Mel. Les embarcadères permettent de
démarrer des excursions pour cette île en forme de baleine classée
à l'Unesco pour sa réserve de la biosphère.
Après avoir un peu rempli ma bourse je regagne Morretes par l'omnibus (ônibus), dont le jeu du chauffeur est de savoir si les gens assis dans les abris bus espacés le long de la quatre voies attendent réellement le bus où profitent juste d'une place assise.
J'avoue qu'à vélo l'abri bus
est souvent pour moi un endroit de pique nique ou de protection
contre la pluie.
Je regagne finalement Morretes
qui s'avère être une ville charmante et qui présente une belle
unité urbaine autour du Rio Nhundiaquara, avec ses petits kiosques à
musique et ses boutiques d'artisanat et de produits locaux.
A faire aussi à Morretes, c'est le petit train touristique qui monte jusqu'à Curitiba avec des points de vue spectaculaires ; mais les horaires ne correspondaient malheureusement pas.
petit déjeuner très copieux en savourant (tes aventures) je m'imagine à ta suite incapable de pousser un vélo dans 1 mètre de ta galère ; en plus de l'effort physique ,(chapeau "bas" pour ta patience et ta persévérance) qui t'emmène vers de plus hauts sommets .
RépondreSupprimerJe ne te souhaite même pas "bon courage" car tu l'as en toi dans le feu de l'effort .
A bientôt Sébastien pour tes nouvelles aventures que je te souhaite moins amères .
Bon vent "vers" Ushuaia ...
Je t'embrasse
je pense que je vais suivre des routes un peu plus asphaltées, pour le moment en tout cas.
RépondreSupprimerYay! À la croisée des chemins, tu as choisi le bon : celui qui recroisera peut-être le mien (peut-être même plutôt deux fois qu'une, car si tu es la tortue qui avance lentement, mais avec ténacité, je suis plutôt le lièvre, qui fait de grands bonds, mais s'arrête pour de longues siestes).
RépondreSupprimerSi ton récit ne me donne pas tellement envie d'être à ta place, tes photos de chemins de campagne me font quand même un peu rêver. C'est un Brésil bien différend du mien que tu es en train de découvrir !
J'espère que le moral tient bon malgré les flaques !
Bise
oui, mais la tortue a décidé de prendre aujourd'hui le bitume, ce qu'il la fait avancer un peu plus vite (même si elle n'avait pas trop d'autres choix !)
RépondreSupprimerLe soleil est revenu (pour combien de temps ?) alors le moral est toujours meilleur ; en plus Guaratuba est vraiment tranquille. Ca change de la campagne brésilienne qui m'a donné bien du fil à retordre.
J'espère que le lièvre a soigné sa fièvre,
à bientôt de se revoir
oh Sebb quelle difficulté ! moi ça ne me fait pas rire .... là ça al'air mieux et grand Dieu merci..en tous cas je me rejouis des photos mais à quel prix pour vous ..bon courage à Paulo et à son conducteur .je vous embrasse et toujours .....MERCI.
RépondreSupprimerle bitume a repris le dessus depuis deux jours, mais les pistes seront encore mon lot quotidien...
RépondreSupprimerSalut revoilà les dompierrois !
RépondreSupprimerQue d'aventures pour toi depuis le Portugal.
La vidéo de la vie à bord était géniale, m'étonne qu'elle ait plu à Marion.
Ton compagnon Paulo est aussi aventurier que toi (mais lui il n'a pas le choix).
Allez bonne continuation et fais gaffe aux serpents dans la forêt (conseil de ta trouillarde de soeur).
Bises.
Salut Dompierre,
RépondreSupprimerje vais essayer de ménager un peu Paulo, sinon il risque de ne pas vouloir m'accompagner très loin !
Pas vu de serpent encore, juste une sorte de gros lézard aujourd'hui mais qui a détalé à une vitesse incroyable ; les sauriens aussi peuvent être trouillards !
Hello Sebb!
RépondreSupprimerUn bonheur que de te lire et de suivre ton aventure! Je te souhaite que de belles découvertes et rencontres. Ca commence bien avec Lise, il n'y a pas à dire, vive les bretonnes ;-) Keep on!
STé - Rennes
salut Sté,
RépondreSupprimerj'espère que tu as passé de bonnes vacances sous le soleil sri-lankais, et qu'il brille encore un peu à Rennes ;-)