Ullapool est un petit bourg qui
doit son activité à sa liaison maritime avec les Hébrides. Je m’y pose deux
jours avant de poursuivre vers le nord.
Pluie et fortes rafales de vent m’accompagnent
jusqu’à Durness. Ce wilderness écossais
en impose, apprécié par les pêcheurs à la mouche et les hikers confirmés.
le Quinag |
au milieu du wilderness ... |
autour de Durness... |
Le bac pour le Cap Wrath et ses falaises de la pointe nord-ouest du pays est annulé à cause du temps mauvais. Je poursuis donc jusqu’au loch Eriboll, véritable fjord norvégien, où je campe sous la grisaille. Mais au réveil, c’est plein soleil. Chic !
La route côtière du nord longe de
magnifiques baies. Vers l’intérieur des montagnes comme le Ben Hope dominent
les tourbières. On les appelle bogs ;
elles sont formées par l’accumulation de mousses depuis l’Âge de Glace, il y a
11000 ans, et constituent aujourd’hui de la tourbe profonde comme une maison de
deux étages. Autant éviter le camping sur ce genre de terrain : on risque
fort de se réveiller le matin au sous-sol !
Ben Hope (927m) |
Tongue Bay |
Bettyhill |
vue sur les Orcades |
Depuis Scabster je prends un
ferry pour les Orcades. Stromness en est la petite ville d’entrée, située à
proximité d’un site archéologique d’importance, le Skara Brae. Un village
néolithique d’une dizaine de maisons a été découvert « grâce » à une
tempête qui a nettoyé la dune en 1850. Toutes les maisons sont de taille
identique et sont composées du même mobilier en pierre agencé de la même façon.
Un foyer central au milieu ; deux lits de part et d’autre ;
et une armoire au fond
Reconstitution complète d’une maison
Le Ring of Brodgar, à quelques miles de Skara Brae, avait sans doute une utilisation rituelle
Au nord-ouest, le Bough Head ouvert
sur l’Atlantique permet une promenade décoiffante le long des falaises.
Le vent me pousse jusqu’à la
capitale, au milieu de laquelle trône la cathédrale Saint-Magnus. Après une
virée vers l’est de l’île, je reviens à Kirkwall pour monter à bord du ferry de
nuit pour les Shetland.
Saint-Magnus |
Brought of Deerness |
Je débarque au matin à Lerwick, la capitale, sous la pluie, et prends la route du nord sous une météo incertaine.
city hall |
Comme dans les Orcades, l’archipel est bisé de toutes côtes par les
vents atlantiques. La casquette vissée sur la tête, le corps emmitouflé dans le
coupe-vent, je progresse lentement vers l’ile de Yell, en jetant des coups
d’œil furtifs sur ces paysages côtiers noyés dans la brume. Un arrêt de bus
doté de solides plexiglas me permet de manger au sec. Après Yell, un deuxième
ferry me conduit sur Unst où je bivouaque après une journée éprouvante de quasi
100 kilomètres.
île d'Unst |
Au bout de l’île d’Unst un
sentier aménagé sur une tourbière permet de gagner la réserve naturelle
d’Hermaness ; c’est le point le plus au nord de Grande-Bretagne, situé à
la même latitude que Bergen, en Norvège, ou le sud du Groenland. Je découvre
ces falaises du bout du monde squattées par des milliers d’oiseaux sous un
« fog » très écossais ; très envoutant malgré le froid.
Hermaness |
Le lendemain, c’est grand soleil,
mais aussi grand vent. Pas de chance, je me dirige vers l’ouest. Je retraverse
Yell par Burravoe, en zigzagant à cause des rafales, et longe les sites
pétrolifères au nord de Brae en continuant une lutte inégale contre le vent. Je
gagne le site d’Esha Ness à 21h. Il est temps de planter la tente au sommet de
la dernière bosse, et d’assister sous la tente au lent coucher du soleil de
minuit.
départ d'Unst sous le soleil |
nord-ouest des Shetland |
Esha Ness... |
... soleil de minuit |
Après un petit détour par
l’ouest, autour de Skeld, je tente ma chance vers le sud. Je repasse à Lerwick
réserver mon billet retour, puis fais une pause en face de l’île de Mousa, qui
possède le broch le mieux conservé d’Ecosse. Il s’agit d’une fortification à
double paroi, à usage défensif, mais à l’intérieur duquel des logements pouvaient
être installés.
Hellister |
Broch de Mousa |
Je poursuis en soirée jusqu’à
Levenwick, où apparaît depuis la route principale une petite plage qui semble
m’appeler. Je descends la « single track road », passe le village, et
une fois les derniers promeneurs sur le point de partir, installe mon campement
sur cette grève paradisiaque.
Levenwick... |
Le temps se couvrant je me
réfugie sous la tente pour manger. A marée montante, le bruit des vaguelettes
qui se fracassent doucement sur la plage est subitement couvert par un autre
son, celui de plongeons ; des gens se baignent à cette heure
tardive ? J’ouvre un œil au dehors et aperçois deux, puis bientôt trois,
phoques gris qui s’amusent dans l’eau à quelques mètres de moi.
Splendide : c’est mon feu d’artifice du 14 juillet !
Au sud des Shetland le site
archéologique de Jarlshof mérite la visite. Comme à Skara Brae c’est une
tempête qui a fait resurgir du passé ces habitations. Maisons rondes du
néolithique, habitations rectangulaires des Vikings, château seigneurial sous
la domination écossaise … l’histoire défile à grands pas en quelques kilomètres
carrés seulement.
Jarlshof... |
intérieur d'une maison néolithique incroyablement bien conservée |
La pointe sud de Sumburgh Head
abrite une importante colonie d’oiseaux, plus faciles à observer que dans le
nord car le temps est au beau fixe. La médaille de l’oiseau le plus insolite
revient sans discussion au macareux moine (ou puffin en anglais), très design
côté esthétisme, et très drôle quand il promène sa grosse bedaine dans les
airs.
Sumburgh Head... |
chaque rocher est bien occupé ! |
le macareux, THE star... |
En remontant par la côte ouest
les plages autour de l’île de Saint-Ninian sont superbes, et les phoques
communs l’apprécient à leur juste valeur.
Je termine mon périple à Scalloway, l’ancienne capitale de Mainland, qui n’est resté qu’un gros village.
Le musée retrace la saga du « Shetland Bus » bien connu de tous les
Norvégiens. Il s’agit d’une liaison établie pendant la seconde guerre mondiale
entre la résistance norvégienne et les forces britanniques. Les bus en question
étaient des bateaux de pêcheurs norvégiens qui en lieu et place de poissons
transportaient des armes vers la Norvège et ramenaient au retour des agents en
danger. A cause du jour quasi permanant en été, les missions se passaient
l’hiver, lorsque la nuit continuelle permettait aux bateaux d’échapper à
l’aviation allemande. Beaucoup d’intrépides et jeunes norvégiens perdirent
malheureusement la vie dans ces traversées rendues périlleuses à cause de
tempêtes infernales.
David Howarth, officier
britannique en second en charge des opérations à terre : « Le 10 novembre une exceptionnelle tempête,
violente, s’est déchaînée sur les Shetland. Le vent s’est levé continuellement
depuis le sud. Dans la matinée du 11 il avait atteint la force d’un ouragan. Il
a soufflé pendant 5 jours et 5 nuits, avec des rafales dépassant parfois
largement les 160km/h. Son bruit strident ne ressemblait à aucun son naturel –
malsain, hystérique, démoniaque ». C’est dans cette tempête que deux
bateaux partis deux jours plus tôt furent pris. Le Blia, l’un d’entre eux,
disparut en mer avec tout son équipage.
Scalloway museum... |
En montant dans le ferry de
retour, j’ai bien l’impression de n’avoir eu qu’un vague aperçu de ce
« far-north » écossais, malgré huit jours passés sur l’archipel.
L’île de South Ronaldsay, dans
les Orcades, est relié depuis la seconde guerre mondiale au Mainland. Quatre
digues ont été construites sous l’ordre de Churchill pour gêner les navires
allemands qui patrouillaient dans la zone.
les bateaux échoués datent de la première guerre mondiale...
... emportés pour la plupart dans l'entre deux guerre, Churchill fit construire ces digues qui servent encore aujourd'hui de ponts entre les îles
plus au sud, Saint-Margaret's Hope possède un petit jardin très agréable pour la pause de midi
A Burwick, je prends un ultime
ferry piéton pour John o’Groats, ce petit village au nord-est de l’Ecosse qui
marque la fin de la plus longue route britannique.
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