Je
quitte Uyuni alors que commence une
petite feria qui va durer deux jours ; mauvais timing.
La
route vers Oruro où se prépare le passage au bitume est sillonnée par les 4/4
qui me soulèvent pas mal de poussière.
Je
m’arrête à Colchani, petit village artisanal où le musée du sel et du lama m’en
apprend davantage sur ce milieu singulier que constitue le salar d’Uyuni.
Le
soir, je suis rejoint dans mon petit logement de sel par un cycliste espagnol
qui vient de passer deux jours dans le salar.
César
me raconte sa traversée du sud-Lipez, où il a été contraint de faire demi-tour
dans l’ascension d’un col à 4900 mètres d’altitude où le vent violent l’a
empêché d’atteindre le sommet avant la nuit.
Puis
quand je lui parle de mon périple depuis Santos, ça fait tilt dans sa tête :
“Mais on s’est déjà croisé
sur la route…”
“(…)
?! Ah mais oui, César des Canaries, on s’est parlé vingt minutes sur la
carretera austral ”
Ni
l’un ni l’autre ne nous sommes reconnus. Il faut croire qu’on a beaucoup changé
en quelques mois.
Nous
nous quittons le lendemain, lui rejoignant La Paz par la route de Potosi que
j’ai empruntée il y a trois jours.
Je
fais quant à moi mes premiers pas dans le salar. Le volcan Thunapa me sert de
repère au nord-ouest.
Mais
c’est plein ouest que je me dirige, en direction de l’isla Incahuasi, qui
distante de 70 kilomètres reste pour le moment invisible.
Pas
compliqué m’a dit César. Il suffit de suivre la piste noire tracée par les
jeeps. Sauf que bientôt deux pistes se séparent.
A
l’aide de la boussole je prends celle de droite qui me semble aller le plus
vers l’ouest. Erreur. Je me rends compte assez vite qu’elle part en direction
du volcan. D’où les limites de la boussole et de l’intérêt du GPS. Un jour
peut-être…
Une
autre piste qui part vers le sud-ouest me remet sur la bonne voie, avec les 4/4
qui arrivent bientôt pour me confirner la direction à suivre.
A midi, j’aperçois au loin
l’île, petit point dans l’horizon distant d’une trentaine de kilomètres.
Pause
déjeûner où il est bien difficile de trouver un appui pour Paulo…
Rouler
à vélo sur cette mer de sel est une expérience étonnante, où l’on apprécie ici
mieux qu’ailleurs la rotondité de la terre.
La
couche supérieure où se forment pendant la saison sèche les hexagones contient
de l’halite.
Mais
en dessous de la couche de sel cristallisé existe un lac souterrain contenant
une haute concentration de saumure.
Des
trous d’eau apparaissent ainsi parfois sur la piste, comme sur la banquise.
Bientôt
l’île d’Incahuasi se fait de plus en plus grosse, jusqu’à ce que j’y aperçoive
les cactus qui font sa renommée.
César
avait campé au milieu du salar : l’eau avait congelé sous la tente ; je préfère
utiliser quant à moi le logement mis à disposition par Alfredo.
Le
soir chasse les dernières Jeeps. Car on ne roule pas de nuit sur le salar. Une
moto arrive pourtant à la nuit tombée. C’est celle de l’Anglais Ian. Il était
déjà arrivé sur l’île à midi. Mais pour rejoindre San Juan dans le sud-Lipez,
plutôt que de prendre la piste directe vers le sud, il a fait un petit détour
par l’ouest du salar. A l’écart des routes tracées par les Jeeps, il s’est
trouvé embourbé dans la couche poreuse de saumure. Après de multiples efforts
pour dégager son engin, il a fini par faire demi-tour, d’où son arrivée nocturne
à Incahuasi.
Après
mangé, et une fois lancé sur le sujet, Alfredo ne manque pas d’anecdotes sur
les pièges du salar. Comme cet homme qui après s’être embourbé en voiture a mis
trois jours pour rejoindre l’île à pied en arrivant exténué et en titubant.
Ou
comme cet autre qui s’étant endormi au volant est venu percuté l’île. Le seul
mort du salar à la connaissance d’Alfredo.
Après
avoir bu le matecito, préparé avec des plantes de l’île,
je
jette un oeil sur le livre d’or, où se rejoignent en quelques pages des
voyageurs du monde entier, à pied, à vélo, en moto ou en voiture. J’y trouve
d’ailleurs la trace du passage de gens rencontrés plus au sud.
Ian et nos hôtes d'un soir |
Le
lendemain, en me dirigeant vers le pied du volcan, je décide de m’écarter de la
piste des Jeeps pour prendre quelques derniers clichés du salar.
Je
pose Paulo sacoches contre terre, m’allonge à ses côtés, joue un peu de la
perspective, puis reprends la route.
une photo prémonitoire du 1/4 d'heure à venir... |
histoire de perspective |
Pas
longtemps. Alors que je démarre à deux à l’heure, la roue avant se cabre :
sebbavelo à terre pour la première fois de ce voyage. J’aurais aimé pouvoir dire avoir glorieusememt
combattu dans la saumure, mais non … je me suis juste vautré lamentablement dans
l’halite.
Comme souvent, les bras partent en avant pour amortir
la chute. C’est la main droite qui s’y est collée, et l’auriculaire qui a tout
pris. Plié
en deux.
Mais
le visage a eu le temps de goûter à la mer de sel. Du front au menton, en
passant par le nez et la lèvre supérieure, tapant au passage dans la gencive :
le salar m’a laissé en guise d’adieu une cicatrice verticale faciale des plus
piquantes.
Pas
de casse matérielle, ni de vêtemement déchiré ; c’est le squelette qui a tout
pris !
La
tête et les jambes fonctionnent normalement ; je regagne donc la terre ferme en
contournant le volcan Thunapa par l’ouest.
le village de Tahua au pied du salar |
A
Alianza, les habitants du village fêtent l’anniversaire du cacique. C’est
encore l’après-midi mais la bière a déjà bien coulé. On m’offre un demi-verre,
on me serre la main tout en continuant de danser ; à peine remarque-t-on mon
visage tuméfié.
Alors
que je prends congé, une femme âgée extraie d’un sac en plastique des feuilles
de coca et m’en verse une bonne poignée dans la main tout en m’enjoignant de la
mâcher
“avec ça mon gars, tu vas être demain à Oruro”,
doit-t-elle penser.
Mais non. Le chemin de caillou
aura raison de la chambre à air qui explosera au bout de 5 kilomètres. Il y a
des jours comme ça…
Je
bivouaque donc à l’abri du vent dans cet enclos à lamas avec vue sur le volcan.
En
inspectant les dégâts du jour, je comprends mieux pourquoi on institait pour me
donner autant de coca !!
Je
reprends le lendemain matin la piste là où je l’ai laissée, en avançant sans
déplaisir à un rythme d’escargot qui me permet de profiter de ce paysage
champêtre
à
gauche la piste ; à droite le salar…
…
et au milieu une vie paisible
peu
de circulation, et beaucoup de déplacement à moto
le salar n’est jamais loin
A
Salinas de Garcia Mendoza, je trouve quasiment de tout pour ravitailler.
Je
récupère un axe plus important, de terre toujours, avec cette fois-ci de la
tôle qui secoue pas mal.
quand je me retourne, le volcan
Thunapa se fait de plus en plus petit
L’eau
prise à la fontaine de Salinas était annoncée potable, mais mon estomac en a
décidé autrement, et décide de jouer à la nuit tombée une partition un peu
molle ; mais bon, avec ce soir un magnifique lever de lune, c’est toujours
mieux que de regarder l’image fixe du calendrier des Postes !
L’itinéraire
jusqu’à Quillacas est là aussi en plein bouleversement : de nombreux passages
sont déjà pré-asphaltés, et les travaux semblent avancer rapidement. Mais comme
c’est dimanche, je me joue des déviations pour rester sur la route en vacance
des bulldozers.
A
peine devrai-je subir pendant quelques kilomètres une piste sableuse sous le regard des vigognes.
A
partir de Quillacas, je retrouve pour de bon le bitume. A gauche le lac Poópo,
que l’on devine au loin ; à droite une chaîne de montagne ; au milieu une
succession de faux-plats montants et descendants dont la monotonie est rompue
par la traversée de villages parfois très animés autour de la place centrale.
Las
des éternels poulets au riz, je délaisse les comedors populaires, et prends
place sur un banc au bord de la route pour déguster pour moins d’un euro de la
viande de lama servie avec maïs ou châtaignes.
Et
en dessert un jus de bananes pressées avec des galettes de soja suffisent à mon
bonheur.
Il ne me reste plus qu’à gagner Oruro. L’entrée se
fait par une 4 voies plutôt industrieuse ; mais une fois arrivé au centre, je
me retrouve bientôt dans le dépaysement d’une grande ville bolivienne.
Les marchés s’y multiplent et débordent souvent dans
les rues adjacentes.
Oruro est célèbre pour son carnaval qui se déroule
avant Pâques. En ce mois de juillet, c’est une ville animée mais peu
touristique où je me plais à découvrir quelques uns de ses monuments au gré de
mes déplacements.
phare de Conchupata |
Santuario del Socavón... |
... en dessous duquel se visite un musée sur a mine |
Une journée off avant de reprendre le vélo…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.