A
Villa Union, la route 40 vers le Nord est fermée tous les
après-midis de la semaine. Les bulldozers sont à l’œuvre pour
préparer le passage au bitume. Encore un chemin de terre de la route
mythique qui aura disparu fin juin.
Pour
les vélos, la route est toujours ouverte. Et comme c'est dimanche,
je me retrouve quasiment seul à gravir le col situé à 2000 mètres.
L'itinéraire
est déjà pré-asphalté. Seuls quelques kilomètres au sommet
demeurent sur piste.
La
vue sur la Cuesta de Miranda y est spectaculaire, avec ce mince filet
d'eau qui serpente au milieu d'un décor rocheux rougeâtre.
Il
y a paraît-il 800 virages ; je n'ai pas eu le courage de les
compter.
La
descente conduit à Chilecito, ville moyenne de 40 000 habitants
plutôt tranquille, dont l'intérêt est de se situer au pied de la
Sierra de Famatima, avec ses sentiers de trekking, ses parois
d'escalade et ses mines d'or.
Je
poursuis vers le nord, toujours sur la « Cuarenta », qui
malgré son tracé le long de quelques sierras, devient monotone avec
ses éternels faux-plats.
ils sont nombreux à me couper la route ; celui-ci me regarde passer
Le
temps est estival ; je roule depuis quelques jours en tee-shirt.
L'amplitude thermique journalière est cependant élevée, mais sans
que la chaleur de l'après-midi ne soit caniculaire, ni les
températures nocturnes négatives.
un peu d'ombre pour la pause midi
Les
quelques villes et villages traversés, espacés de moins de cent
kilomètres, donnent un peu le change, comme l'église 18ème
siècle de San Blas et sa petite plaza de armas..
Londres
ne possède pas la moindre pincée d'Albion, mais des ruines Incas,
alors que Belén, la ville du poncho artisanal, est lovée dans une
vallée agricole supervisée par la statue de la Vierge.
un Christ penseur !
Si
le cours de la route 40 était celui de La Moldau, alors Smetana y
aurait fait jouer flûtes et haut-bois pour évoquer quelque fête
populaire qui se déroulât autour du canyon de Belén.
Pas
longtemps. Le thème principal revient vite à la charge avec les
cuivres pour évoquer un paysage à nouveau assommant et monotone.
Les
sons de cors annoncent les rafales de vent qui heureusement me
poussent dans ce long faux-plat montant.
un peu exigu, ce bivouac à El Eje
mais j'ai dormi à l'abri des sons de cors !
Et
puis au sommet le rythme de l'orchestre s'accélère. Les blanches
deviennent des croches et la partition qui se joue désormais allegro
m'embarque sur une longue descente de plus de 80 kilomètres avec les
cors toujours favorables.
Quelques
fausse notes cependant au bas de cette vallée poussiéreuse, et
c'est le sable qui pendant la nuit à Santa Maria passe à travers le
tamis de la tente. Comme à Rada Tilly.
il fait soleil, mais aussi très poussière dans ces déserts de sable
Après
ce rythme effréné, les instruments un peu las se mettent à
respecter les pauses. Dans la petite ville artisanale d'Amaicha del
Valle d'abord, puis au site archéologique de Quilmes ensuite.
Ces
Indiens, qui y construisirent une ville de plus de 6000 âmes
(considérable à l'époque) résistèrent pendant plus de 150 ans
aux Espagnols.
Ils
utilisèrent la montagne comme forteresse naturelle et l'influence
des Incas ne fut sans doute pas étrangère à l'établissement de
leurs grandes maisons en terrasse où vivaient jusqu'à trois
familles. Le sommet des murs très épais servaient de rues aux
passants dans ce plan urbain conçu en labyrinthe.
Mais
les Espagnols finirent par assiéger la ville et contraignirent les
habitants à une marche forcée de plus de 1400 kilomètres jusqu'à
Buenos Aires. Beaucoup moururent en chemin, et des rescapés qui
s'établirent au sud de la capitale ne restent aujourd'hui plus de
descendants.
Une
fin tragique pour ce peuple farouche, dont le site que l'on visite
reconstitué d'après les vestiges ne forme que 10% des ruines
découvertes … à la mémoire du peuple Quilmès.
la piste d'accès au site longue de 5 km depuis la route 40
une partie des ruines non encore exploitée
un bivouac dans ce qui fut sans doute le terrain de chasse des Quilmès
seuls les sabots des vaches passeront auprès du campement pendant la nuit
La
troisième pause s'effectue enfin à Cafayate, petite ville perchée
à 1600 mètres d'altitude à l'abri de la montagne, un peu comme le
site ancien de Quilmes d'ailleurs, avec cependant un plan de ville en
cuadras plus moderne et une mairie à proximité de la plaza de
armas, alors que le cacique de peuple Quilmes vivait au sommet de la
sierra.
Cafayate
est entourée de bodegas, avec des vignes parmi les plus hautes du
monde.
C'est
ici que je laisse filer la route 40 vers le nord.
Mais
après l'entracte l'orchestre reprend de plus belle. La route 68
serpente bientôt au milieu de la Quebrada de las Conchas,
magnifiques formations rocheuses sculptées par les éléments, où
violons, altos ou contrebasses entament quelques solos en fonction
des figures qu'ils veulent évoquer : un château, une fenêtre,
une obélisque, un moine, un crapaud...
… à
l'approche de l'amphithéâtre naturel, c'est tout l'orchestre qui
s'invite à la fête...
… et
reprend en chœur le thème principal pour me conduire jusqu'à Salta
après avoir retrouvé un peu d'agriculture dans la campagne
avoisinante.
Salta
signifie « la belle » en langage aymara, et ses nombreux
édifices dont certains datent de l'époque coloniale ont de quoi
occuper une journée de flânerie.
Beaucoup
d'animation le soir dans les rues, ainsi qu'autour de cet écran
diffusant les matchs de la Coupe du monde, avec ici le Brésil en
ouverture.
Mais
j'ai l'impression que les Argentins étaient venus voir trébucher
leur rival sud-américain, car dès le troisième but brésilien, accueilli froidement, la
place s'est de suite vidée !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.