vendredi 13 juin 2014

Symphonie n°40

A Villa Union, la route 40 vers le Nord est fermée tous les après-midis de la semaine. Les bulldozers sont à l’œuvre pour préparer le passage au bitume. Encore un chemin de terre de la route mythique qui aura disparu fin juin.
Pour les vélos, la route est toujours ouverte. Et comme c'est dimanche, je me retrouve quasiment seul à gravir le col situé à 2000 mètres.




L'itinéraire est déjà pré-asphalté. Seuls quelques kilomètres au sommet demeurent sur piste.


La vue sur la Cuesta de Miranda y est spectaculaire, avec ce mince filet d'eau qui serpente au milieu d'un décor rocheux rougeâtre.




Il y a paraît-il 800 virages ; je n'ai pas eu le courage de les compter.
La descente conduit à Chilecito, ville moyenne de 40 000 habitants plutôt tranquille, dont l'intérêt est de se situer au pied de la Sierra de Famatima, avec ses sentiers de trekking, ses parois d'escalade et ses mines d'or.


Je poursuis vers le nord, toujours sur la « Cuarenta », qui malgré son tracé le long de quelques sierras, devient monotone avec ses éternels faux-plats.







ils sont nombreux à me couper la route ; celui-ci me regarde passer


 Le temps est estival ; je roule depuis quelques jours en tee-shirt. L'amplitude thermique journalière est cependant élevée, mais sans que la chaleur de l'après-midi ne soit caniculaire, ni les températures nocturnes négatives.


 un peu d'ombre pour la pause midi

Les quelques villes et villages traversés, espacés de moins de cent kilomètres, donnent un peu le change, comme l'église 18ème siècle de San Blas et sa petite plaza de armas..


Londres ne possède pas la moindre pincée d'Albion, mais des ruines Incas, alors que Belén, la ville du poncho artisanal, est lovée dans une vallée agricole supervisée par la statue de la Vierge.


un Christ penseur !



Si le cours de la route 40 était celui de La Moldau, alors Smetana y aurait fait jouer flûtes et haut-bois pour évoquer quelque fête populaire qui se déroulât autour du canyon de Belén.







Pas longtemps. Le thème principal revient vite à la charge avec les cuivres pour évoquer un paysage à nouveau assommant et monotone.
Les sons de cors annoncent les rafales de vent qui heureusement me poussent dans ce long faux-plat montant.

un peu exigu, ce bivouac à El Eje

mais j'ai dormi à l'abri des sons de cors !

Et puis au sommet le rythme de l'orchestre s'accélère. Les blanches deviennent des croches et la partition qui se joue désormais allegro m'embarque sur une longue descente de plus de 80 kilomètres avec les cors toujours favorables.


Quelques fausse notes cependant au bas de cette vallée poussiéreuse, et c'est le sable qui pendant la nuit à Santa Maria passe à travers le tamis de la tente. Comme à Rada Tilly.

il fait soleil, mais aussi très poussière dans ces déserts de sable

Après ce rythme effréné, les instruments un peu las se mettent à respecter les pauses. Dans la petite ville artisanale d'Amaicha del Valle d'abord, puis au site archéologique de Quilmes ensuite.








Ces Indiens, qui y construisirent une ville de plus de 6000 âmes (considérable à l'époque) résistèrent pendant plus de 150 ans aux Espagnols.
Ils utilisèrent la montagne comme forteresse naturelle et l'influence des Incas ne fut sans doute pas étrangère à l'établissement de leurs grandes maisons en terrasse où vivaient jusqu'à trois familles. Le sommet des murs très épais servaient de rues aux passants dans ce plan urbain conçu en labyrinthe.
Mais les Espagnols finirent par assiéger la ville et contraignirent les habitants à une marche forcée de plus de 1400 kilomètres jusqu'à Buenos Aires. Beaucoup moururent en chemin, et des rescapés qui s'établirent au sud de la capitale ne restent aujourd'hui plus de descendants.
Une fin tragique pour ce peuple farouche, dont le site que l'on visite reconstitué d'après les vestiges ne forme que 10% des ruines découvertes … à la mémoire du peuple Quilmès.

la piste d'accès au site longue de 5 km depuis la route 40

une partie des ruines non encore exploitée

 un bivouac dans ce qui fut sans doute le terrain de chasse des Quilmès
seuls les sabots des vaches passeront auprès du campement pendant la nuit


La troisième pause s'effectue enfin à Cafayate, petite ville perchée à 1600 mètres d'altitude à l'abri de la montagne, un peu comme le site ancien de Quilmes d'ailleurs, avec cependant un plan de ville en cuadras plus moderne et une mairie à proximité de la plaza de armas, alors que le cacique de peuple Quilmes vivait au sommet de la sierra.






Cafayate est entourée de bodegas, avec des vignes parmi les plus hautes du monde.




C'est ici que je laisse filer la route 40 vers le nord.


 
Mais après l'entracte l'orchestre reprend de plus belle. La route 68 serpente bientôt au milieu de la Quebrada de las Conchas, magnifiques formations rocheuses sculptées par les éléments, où violons, altos ou contrebasses entament quelques solos en fonction des figures qu'ils veulent évoquer : un château, une fenêtre, une obélisque, un moine, un crapaud...








à l'approche de l'amphithéâtre naturel, c'est tout l'orchestre qui s'invite à la fête...




et reprend en chœur le thème principal pour me conduire jusqu'à Salta après avoir retrouvé un peu d'agriculture dans la campagne avoisinante. 



 
Salta signifie « la belle » en langage aymara, et ses nombreux édifices dont certains datent de l'époque coloniale ont de quoi occuper une journée de flânerie.






Beaucoup d'animation le soir dans les rues, ainsi qu'autour de cet écran diffusant les matchs de la Coupe du monde, avec ici le Brésil en ouverture.
Mais j'ai l'impression que les Argentins étaient venus voir trébucher leur rival sud-américain, car dès le troisième but brésilien, accueilli froidement, la place s'est de suite vidée !













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