En arrivant à El Calafate, je décide de poser le vélo
le long d'un muret en retrait de la route. Mais l'accès se fait sur
un gravier épais sur lequel Paulo se vautre lamentablement, faisant
se détacher les sacoches arrière.
Je ramasse le pneu de rechange et le jette vers le
muret, énervé par cette chute incontrôlée. C'est à ce moment
qu'arrive à ma hauteur à petite vitesse un vieux combi anglais que
je connais bien. C'est celui de l'Australien Tony et de son épouse.
C'est la troisième fois que je croise leur route, et à chaque fois
dans des conditions difficiles.
A la sortie de Punta Arenas d'abord, alors que le vent
me faisait avancer en crabe sur une ligne droite. Puis il y a deux
jours, sur le ripio venteux et en côte menant au lago Roca. La
première fois, Tony me propose de mettre le vélo dans le combi pour
me sortir de cette partie difficile, ce que je refuse, n'utilisant
comme moyen motorisé que le bateau quand la route se dérobe. Il me
qualifie gentiment de « loco » (fou), tout en comprenant
malgré tout ma décision. La deuxième fois je leur dis qu'ils sont
mes « dark angels », car ils arrivent toujours aux pires
moments de mon étape.
Et aujourd'hui, pour conjurer le sort, ils m'offrent le café.
Et aujourd'hui, pour conjurer le sort, ils m'offrent le café.
Après la mise à jour du site dans une station service,
où je rencontre la famille des 5 qui revient du glacier, je prends
la route d'El Chaltén, qui contourne les lacs Argentino et Viedma.
Je franchis le fleuve Santa Cruz, et plus loin je
remonte le cours de la Leona qui relie les deux lacs ; leurs
eaux d'origine glaciaire d'un bleu azur se confondent presque avec le
ciel.
Un endroit abrité pour passer la nuit pendant l'été :
les « puesto fijo » (poste de cantonniers) qu'on trouve à
intervalles réguliers et dont les mobile-home qui abritent
d'habitude les travailleurs se trouvent sans occupant pendant les
vacances. Il suffit juste de demander l'autorisation aux quelques
personnes qui en assurent la garde.
Sinon le bivouac à l'abri des ponts reste une valeur
sûre.
Ou même face à la meseta del viento (ça ne s'invente
pas) prise dans les nuages après une nuit pluvieuse.
A l'extrémité du lac de Viedma je quitte la route 40
pour la route 23 avec en ligne de mire la silhouette imposante du
Mont Fitz Roy.
Je croise ce couple équatorien de cyclistes :
échanges habituel de bons tuyaux, avec les bons plans pour dormir à
pas trop cher, voir même pour rien du tout.
Ils vont vers le sud, et sont partis d'Equateur il y a …
trois ans et demi ! Je pense que je mettrai un peu moins de
temps qu'eux, qui ont la chance de vivre et de profiter de leur
voyage.
Plus loin, je croise pour la troisième fois la famille
des 5. Cette fois-ci je les mets dans la boîte, avec le Fitz Roy
comme arrière-plan. Ils repartent vers le nord, avec l'objectif de
vendre leur camping-car en Amérique, avant d'en racheter un autre en
France et de poursuivre leur route vers l'Asie. On the road toujours
… et que vive le voyage sous toutes ses formes.
Le bourg, qui peut faire penser à une petite station
alpine, est plutôt agréable, avec le soir la vue du mont Fitz Roy
qui se découpe dans le ciel crépusculaire.
La marche y est possible sous toutes ses formes, avec sentiers de randonnée facile ou treks plus exigeants avec franchissement de glaciers, ainsi que l'escalade.
Je pars quant à moi à l'assaut de la Laguna de los
Tres. Le sentier se fraie un passage au milieu des forêts de ñires,
hêtres endémiques de taille moyenne, capables de résister à des
conditions extrêmes, et que l'on trouve jusqu'en Terre de Feu.
L'intérieur des troncs est souvent parasité par une larve d'insecte. Qu'à cela ne tienne, ça fait le bonheur du carpintero de Patagonie, sorte de pivert huppé à la tête rouge qui vole d'arbre en arbre en frappant de son bec l'écorce des ñires : on l'entend d'abord avant de le voir.
La dernière rampe
pour atteindre le lac nécessite une heure de crapahute, mais la vue
du massif au pied du lac à l'abri du vent vaut le déplacement.
Le mont Fitz Roy est
là, juste en face, mais l'ascension est réservée aux alpinistes
chevronnés. La première cordée victorieuse fut réalisée par un
groupe de quatre Italiens par la voie Ouest.
Le sommet est
souvent coiffé d'un nuage (d'où son nom donné par les Aonikenk,
« el chaltén ») et on a longtemps pensé qu'il
s'agissait de la fumée d'un volcan.
Il ne me reste plus
qu'à redescendre, en passant au retour au pied du Cerro Negro.
Entre rando et
repos, El Chaltén constitue une pause appréciable avant de
reprendre le voyage à vélo par la carretera australe.
Je me suis parfois
demandé à quoi servait ces longues étapes sans relief le long de
la route 3 atlantique. C'est sans doute pour apprécier mieux encore
les paysages somptueux que je découvre depuis ma remonté par les
Andes.
Paulo commence à ne
plus trop savoir où donner du guidon.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.