Mon retour à Quiberon en mode
recherche job d’été ne fut pas un succès. Après avoir écumé le remblai je finis
ma tournée des Grands Ducs par le Sofitel. Les portes de service étant closes
je passe par l’entrée des artistes et me trouve dans le grand hall nez à nez
avec Jean-Pierre Coffe. N’étant pas un habitué du Leader Price je n’ai pas de
réclamation personnelle sur la qualité des produits qu’on y achète ;
dommage j’avais le service commercial sous la main.
L’obséquieux maître d’hôtel en
tenue de gala finit d’accompagner son illustre client vers sa Suite puis se
retourne vers moi en claquant les talons. Le sourire de façade se mut en
sourire de marbre. La différence est subtile mais la gestuelle plus sèche est
sans équivoque. En quelques secondes mon cv glisse dans un coin de la réception
et sera remis sans faute à qui de droit.
Je traverse la route pour
retrouver le camping municipal. Amusant de voir se côtoyer des emplacements à
quelques euros et des chambres de luxe à plusieurs zéros.
Je profite néanmoins de mon
logement low cost pour admirer le coucher de soleil sur Belle-île.
au large, Belle-Ile |
L’arrière pays privé de la mer
attire moins les regards. On y fait pourtant de belles rencontres.
Les fragrances qui chatouillent
mes fosses nasales et qui éveillent mon appétit à peine suis-je entré dans le
bourg de Saint-Guyomard m’annoncent que la boulangerie artisanale est bien
ouverte. J’y retrouve Ewa, croisée sur le marché d’Auray du samedi, qui tient
boutique dans ce petit village breton accroché aux landes de Lanvaux.
Les différents types de pains
ou brioches sont défournés sous les yeux des clients et livrés tout chauds.
le fourà bois |
De la pâte parfois malaxée à la
main jusqu’à la cuisson tout est réalisé ici de façon bio. Comme à Logodec
marchés et Amaps sont une source de revenu essentielle pour rémunérer tous les
efforts consentis.
Alors si un jour vos pas vous
mènent à Saint-Guyomard vous saurez désormais où faire une pause
gourmande !
Etienne et Ewa |
Etienne est féru d’histoire. Il
m’indique comment récupérer la voie romaine qui rejoint en ligne droite le Roc
Saint-André.
Les contemporains de Jules
César ne s’embarrassaient pas de chemins sinueux épousant les rives des cours
d’eau. Les routes suivaient l’avancée des cohortes et étaient construites au
rythme de 50 kilomètres par jour. Les essieux des chars ne pouvant pivoter
seule la ligne droite était possible ; toute l’ingénierie romaine était
sollicitée pour réaliser ces voies dont certains tracés sont encore utilisés de
nos jours.
voie romaine : droit et sportif |
voie verte Questembert-Mauron |
printemps |
Ploërmel, au milieu de la voie
verte reliant Questembert à Mauron, a un passé plus moyenâgeux. L’ancienne cité
fortifiée ne possède plus que la tour des Thabors pour se défendre. Peu
importe. L’église St Armel témoigne sur son Portail Nord de l’imagination
parfois débridée à laquelle se laissaient aller les artistes de la Renaissance.
Plus proche de nous, de 1850 à
1855, le Frère Bernardin construisit une horloge astronomique possédant dix
cadrans ; l’aiguille de l’un d’entre eux fait sa révolution en … mille ans ! Donner un rendez-vous galant à la demi quand il est le quart peut
révéler quelques surprises…
cadran 10 : la petite aiguille noire compte les siècles |
De Vitré à Fougères j’entre
dans le pays des Marches, zone tampon où les seigneurs bretons fortifièrent ces
places pour se protéger des velléités de conquête des Rois de France.
Vitré |
Fougères est à ce titre
remarquable, avec son beffroi du 14ème siècle, unique en son genre
dans la région. Ville d’écrivains, Balzac y situe un épisode de
« Chouans », et Chateaubriand y vécut chez sa sœur dans la rue qui
porte aujourd’hui son nom.
Quant à Victor Hugo il ne
cessait de questionner ses amis sous forme d’injonction :
« Allons ! Vous n’avez pas encore visité Fougères ? »
Fougères... |
beffroi 14ème siècle |
Avranches, en Normandie déjà,
est sur son promontoire un peu en désordre, après avoir subi les affres de la
Révolution et les destructions de la Seconde Guerre Mondiale.
La vue du Mont Saint-Michel
depuis le jardin botanique est imprenable.
En me retournant après avoir
pris ce cliché ce même paysage est reproduit sur une toile. Un peintre a posé
son chevalet en retrait du chêne pour capter en cette fin d’après-midi orageuse
sa vision de la baie. Je n’en n’aurai qu’une idée imparfaite mais recollerai
par morceaux le tableau de l’artiste en continuant ma route vers la pointe du
Grouin et en jetant des œillades vers le rivage pour photographier mentalement
ce Monument de France.
Le Roc de Granville avec ses
demeures en granit de Chausey fut fortifié pour surveiller la baie. En 1793 les
contre-révolutionnaires vendéens y achèvent dans la consternation leur folle
« virée de Galerne » après avoir constaté l’absence de l’aide
anglaise. L’armée catholique et royale s’en retourne au sud de la Loire dans
une débandade inévitable.
Haute Ville |
Pour moi cette virée de
Quiberon à Granville ne réserve pas d’autre galère qu’une dernière journée
passée sous une pluie d’orage me rappelant la fraîcheur quotidienne du voyage à
vélo. Je poursuis même plus au nord en m’offrant un dernier bivouac sur la
plage à l’abri du vent d’est où les oiseaux marins viennent se régaler d’un
dîner sur l’estran.
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