Le
retour sur la route 3 n'est pas une sinécure. Le vent de face ou de
côté me fait avancer comme une tortue à 6 ou 7 km/h au minimum.
bivouac au bord de la route 3
route 3 : Sierra Grande
Le
passage par la Sierra Grande n'arrange rien à l'affaire. Les
faux-plats montants semblent interminables avec le vent contraire.
Je
passe une nuit dans la sierra au milieu d'un ancien complexe
touristique à l'abandon à l'abri d'un bosquet. Je comptais repartir
à la nuit espérant une accalmie. Mais à 3h du matin les feuilles
des arbres sont plus que jamais ballottées par les éléments.
Inutile de reprendre la route aussi tôt.
Le
matin, à mon grand regret, le vent n'a pas tourné. La journée
s'annonce difficile. Les camions qui me croisent sans ralentir me
faisant tanguer sur le bord de la route comme un grain de sable dans
une tempête de désert se voient systématiquement attribués d'un
épithète fleuri. Ça soulage.
A
15h je n'ai fait que 60 km et je suis rincé. Je m'arrête sur le
bord de la route à peine dissimulé des voitures. Je dors le reste
de l'après-midi, me lève pour manger, puis retourne me reposer
jusqu'à 3h du matin.
Cette
fois-ci le vent est tombé. A 4h je suis donc sur la route et profite
du calme de la nuit pour enfin avancer tranquillement.
J'assiste
au lever de soleil patagon sur le vélo.
Peu avant d'arriver à
Puerto Madryn j'oblique à gauche vers la péninsule de Valdès.
L'entrée est payante et le péage s'annonce après 25 km.
Après
discussion avec un garde je décide de rebrousser chemin. Le bivouac
y est interdit sur l'ensemble de la péninsule. On ne peut dormir
qu'au village de Puerto Piramides. Les distances étant longues sur
les pistes de gravier il me sera donc impossible de visiter
l'ensemble à vélo.
Tant
pis. J'irai observer des animaux marins ailleurs.
Je
laisse cette énorme mygale traverser la route à ses risques et
périls
et
prend la piste côtière avec de superbes vues sur la mer. Les plages
désertes se succèdent et je profite de l'une d'elles pour manger et
me reposer de mon départ nocturne.
Puerto
Madryn présente un visage industriel, avec cette immense usine
d'aluminium qui fait face au port des containers. C'est aussi un
important port de pêche.
De
retour sur la route 3 je croise mon premier cyclotouriste depuis
l'Uruguay. La route est devenue autoroute et un terre-plein central
sableux me sépare de mon alter ego.
Je
lui fait signe mais il semble ne pas me voir, absorbé par l'obstacle
d'un long faux-plat montant.
Trelew
est posée au nord du fleuve. Cette ville de plus de 100 000 âmes
n'offre rien de particulier à voir. C'est une cité très argentine
articulée en damier autour de sa place de l'Indépendance aménagée
autour du kiosque du centenaire. Mais l'animation autour de ses rues
commerçantes en fait toujours une distraction que j'apprécie après
des kilomètres de lignes droites.
Trelew : kiosque du centenaire
En
suivant le fleuve j'arrive bientôt à la mer. Je plante la tente au
bord de l'eau avec vue sur les éoliennes de Rawson.
Le
petit port de pêche de Playa Union est animé ce matin avec le
départ des chalutiers devant les yeux des surfers.
Je
retourne sur mes pas pour récupérer à Rawson le départ de la
route 1.
Là
encore c'est une piste sans ravitaillement sur plus de 250
kilomètres. Paulo est à nouveau chargé d'eau et de victuailles.
J'enlève
un peu d'air aux pneumatiques et pars en direction de Punta Tombo que
j'atteins en soirée. J'installe le bivouac à 8km du site des
manchots.
La
nuit est tombée et quelques guanacos viennent faire les curieux. Je
ne les vois pas mais entends leur sorte de ricanement
caractéristique.
Tôt
le lendemain je descends jusqu'à la mer avec le seul vélo en
laissant le campement sous la surveillance des camélidés que je
croise en nombre sur le bord de la piste.
Les
Rangers dorment encore. Je profite donc seul du spectacle de cette
immense colonie de manchots de Magellan dans leur habitat naturel.
Ils
font un va-et-vient continuel entre l'océan et leurs nids qu'ils ont
creusés dans cette sorte de lande pentue.
Les
petits sont nés en novembre mais n'ont pas encore quitté leur nid.
La
démarche et les mimiques de ces animaux de toute petite taille est
un régal à observer.
Je
remonte au campement avant l'arrivée des premiers visiteurs. Avant
de refaire à l'envers les 15 kilomètres de piste, je change la
chaîne qui a déjà cumulé 2000 km depuis Buenos Aires. Je
vais essayer cette méthode vue sur les forums, avec deux chaînes
que je change tous les 2000 km jusqu'à épuisement de la
transmission.
Au
croisement de la route 1 je tourne à gauche plein sud. La piste un
peu venteuse qui serpente sur le plateau amorce bientôt la descente
vers la mer.
J'évolue
dans les paysages somptueux du Cabo Raso, avec ce décor très
hollywoodien où je ne serais pas surpris de voir surgir au détour
d'une colline un campement de Navajos.
A
part quelques pick-up je suis seul sur la route. Les poteaux
électriques ont disparu et les seuls signes de la présence humaine
sont les clôtures, la piste et ses panneaux de signalisation.
Les
pauses permettent de contempler le silence de cette immensité
désertique en appréciant intérieurement la chance de pouvoir y
vivre pendant quelques heures.
Le
troisième jour je continue sur cette piste où bien loin de la route
3 et son lot incessant de véhicules je ne croiserai qu'une seule
voiture sur 90 kilomètres.
Camarones,
abritée au fond de la baie éponyme, est ma ville étape, située à
mi-distance de Rawson et Comodoro Rivadavia.
C'est
un village tranquille où je croise au petit camping Andrea. Elle
fait partie d'un voyage organisé allemand de plus d'un mois entre
Buenos Aires et Santiago du Chili, mais semble s'y ennuyer fermement.
Après
seulement trois jours, elle regrette presque déjà le rythme effréné
des déplacements où les temps de visite ou de détente se réduisent
à peau de chagrin.
Je
noierai donc avec elle sa détresse euphorique et sympathique en
partageant un litre de bière argentine. Réconfort tout germanique.
Camarones,
avec son petit port, est le débouché pour l'exportation de la laine
produite par les quelques estancias éparpillées autour de la route
1 que j'emprunte.
On
y trouve aussi deux Français qui y vivent à l'année des produits
de la pêche où de l'exploitation de la fleur de sel que les
Argentins dédaignent à travailler.
J'y
entends parler aussi d'un autre Français plus médiatique. C'est en
effet en face, à une quinzaine de kilomètres seulement, que Flornt
Pagny y a acheté une maison.
Il
posséderait d'ailleurs toute la péninsule qui débouche au Cabo Dos
Bahias sur une autre colonie de manchots de Magellan. Moi qui
plaisantait il y a deux jours avec un manchot de Punta Tombo sur la
possible présence du célèbre chanteur, j'étais loin de me douter
que je trouverais sa trace sur cette avancée de terre dans l'océan
à plus de 250 kilomètres de la ville la plus proche !
Il
n'y vivrait plus paraît-il que quelques heures … par an. En tout
cas une chose est certaine : je ne l'ai pas croisé en tongs sur
la plage de Camarones.
Le
camping de Camarones est un vrai camping, sans mobile-home, avec des
coins cuisine et des barbecues, le tout pour un prix modique. J'y
fait donc halte pour une journée entière.
Je
repars reposé à l'assaut de la piste avec toujours de belles
échappées sur la grande bleue, accompagné des nandous et guanacos
et
cette réserve d'oiseaux à Bahia Bustamante.
Après
cette estancia la piste devient plus difficile. Je dois parfois
pousser la machine sur des portions de sable très épuisantes.
Les
paysages sont malgré tout toujours enchanteurs.
Une
seule voiture aujourd'hui, celle du pompier Navarro, qui me donnera
trois litres d'eau, bien appréciés sur ce mauvais ripio bien
éprouvant.
La
route finit par l'ascension de la Sierra Salamanca pour rejoindre le
bitume. Je m'arrête au pied du petit col à l'abri du vent et
finirai la montée demain à la fraîche.
Un
troupeau de moutons guidés par trois gauchos est conduit un peu plus
haut dans la montagne et passe juste devant mon bivouac.
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