lundi 8 février 2016

Mon Ventoux

De Bourg-en-Bresse je rejoints Chassieu, à vélo cette fois-ci, et y termine ma semaine de travail.
Entre les immenses centres commerciaux et les rocades coupées par les autoroutes, jamais je n’aurais eu l’idée d’aller cycloter dans cette vaste zone rurbaine, où le nom donné aux avenues est très évocateur.



On s’y essaye cependant au reboisement, et l’ancienne voie napoléonienne occupant une ligne de crête est devenue aujourd’hui un corridor biologique de six kilomètres de long entre le Parc de Parilly et le fort de Saint Priest.



Une petite boucle dans le département de la Loire me permet de patienter l’arrivée de mon chèque.
Je franchis une dernière fois la Dombes, dont la ville de Trévoux constitue une des portes d’entrée, et passe de nuit (les journées étant courtes) par Villefranche/Saône et Roanne, ce qui me permet de comparer les jeux de lumière de chaque cité.

Trévoux

Villefranche/Saône

Roanne...




Entre les deux, les collines du Beaujolais sont plutôt dans la grisaille, et la neige au sommet des petits cols n’est qu’un faible témoin d’un hiver pour l’instant peu virulent.





Peu de couleurs également le long des gorges de la Loire mais, et même si ce n’est pas le plus connu, un château, of course !




Le retour à Lyon est comme un rallye qui monte par Violey et le col de la Croix Casard, puis qui plonge vers Tarare et Chassieux, pour enfin récupérer tous mes documents avant le week-end et continuer ma route vers le sud.

Violey

col de la Croix Casard


L’occasion de remercier les accueils warmshowers d’Aurélia à Roanne, et de Josiane et Bernard à Décines, qui logent à quelques encablures du nouveau grand stade lyonnais.

dernier passage par Lyon
Décines ; Josianne et Bernard



Vienne est le premier jalon de villes étapes bordant le Rhône. On y trouve de nombreuses traces de l’Empire romain, dont le temple d’Auguste et de Livie, qui fut successivement transformé en église, en tribunal révolutionnaire, puis en musée, ou le théâtre antique adossé au Mont Pipet.





Et je serai finalement peu surpris de croiser Flavio, étudiant italien à Lyon, devant le forum !



Le temps est au soleil, mais je ne serai pas fâché pour mon premier bivouac de trouver une cabane de pêcheurs pour m’abriter du froid.



Froid relatif tout de même en cette fin janvier, car seul ce réveil au pied du Vercors se fera par des températures tout juste négatives.



Cyclotage dans le Vercors, que du bonheur…

plaine de Bièvres...


Vercors...







En longeant l’Isère, dont les berges sont dédiées à la production de noix, Romans possède quelques joyaux qui méritent une halte.

Romans/Isère...






La digue surplombant la rivière dévoile d’autres cultures de fruitiers, comme les cerisiers, kiwis, pommiers ou châtaigniers.

bivouac l'hiver : peu de gêneurs
Isère


Passé Valence, 

Via Rhôna : confluence Isère/Rhône

Valence...


quartier St-Jean


je quitte à nouveau le Rhône, rive droite cette fois-ci, et remonte le cours de l’Eyrieux par la superbe « dolce via » épousant le tracé de l’ancienne voie ferrée, et où des aires naturelles de bivouac se trouvent à point nommé.

vallée de l'Eyrieux



"Dolce Via"



La ligne fonctionna de 1891 à 1968, mais dès les années 1930 la concurrence de la route se fit sentir.



Les châtaigniers qui fournissaient le tanin permirent l’émergence des filatures.



Après Le Cheylard et le col de Mézilhac, 


col de Mézilhac : vue sur les Monts d'Ardèche


je change de vallée : la Volane me mène au village pittoresque d’Antraigues, patrie de Jean Ferrat, où des journalistes de l’émission « Un jour, un destin » sont venus récemment recueillir des témoignages sur l’engagement de l’artiste pour une diffusion prévue à l’automne.







Moi qui chantais « que la montagne est belle » il y a cinq ans en Bulgarie je ne pensais pas alors que les paysages de l’Ardèche étaient à ce point similaires aux pentes du massif de Rila.

Il me faudra cependant patienter jusqu’à Aubenas avant que le soleil n’y donne un peu plus d’éclats.



Vals-les-bains

Aubenas
Patrick, Ardéchois, et un projet cyclo-voyage à venir


A nouveau le Rhône, franchi à Montélimar, dominé par la forteresse des Adhémar, qui appartiendrait aux Grimaldi, 



à laquelle fait écho celle de Grignan, plus photogénique.




Je suis dans la Drôme provençale, où les lavoirs prennent des formes romaines et où les champs de lavandes pas encore fleuries m’annoncent malgré tout le Sud.






A Vaison-la-Romaine, j’y suis officiellement, en Provence.
Le pont romain de la fin du Ier siècle est un des rares ponts antiques encore utilisé de nos jours.




Il franchit l’Ouvèze, dont les crues parfois dévastatrices ont inspiré la création du Jardin des 9 Damoiselles après les inondations de 1992.





Le site antique de Puymin étant encore fermé aux visites je gagne le village médiéval où la vue sur le Ventoux est imprenable depuis les remparts du château.





Depuis deux jours déjà la silhouette caractéristique du « Géant de Provence » m’apparaît complètement dégagée, et l’envie de voir si son ascension est possible me conduit dans l’après-midi à Malaucène, où un garde-forestier m’apprend que malgré sa fermeture pour les voitures la barrière peut-être franchie à pied ou à vélo, car cela fait plus d’une semaine que la neige accroché à ses flancs a fondu.




J’entame l’ascension dans la soirée et me pose après quatre kilomètres dans la forêt pour la nuit.




Le lendemain matin le sommet est recouvert d’un chapeau de brume qui j’espère se découvrira grâce au vent.





La pente autour de 11 à 12 % à mi-parcours est régulière et offre rapidement de beaux coups d’œil sur les vallées.







Plus je monte cependant et plus la vue se rétrécit. Le mistral est pourtant bien présent ; protégé par le massif forestier il ne m’importune pas, mais il n’importune pas non plus cet amas de nuages gris qui a décidément décidé de passer la journée sur le cône.

Je passe la barrière comme prévu et entame la montée des 5 derniers kilomètres. 





Un groupe de randonneurs à pied me souhaite bon courage. Ils redescendent vers le village de Mont Serein sans avoir été jusqu’en haut.
Mais comme pour moi jusqu’ici tout va bien je poursuis ma route en évitant quelques zones de verglas dont certaines sont négociées à pied.
Dernière vue à gauche sur le village, et dernière photo de la route à 3 kilomètres du sommet.





Car ici le mistral m’a rattrapé et l’impression de froid est alors subitement accentuée me défiant à présent d’ôter les gants. Puis vient la neige verglacée. Encapuchonné sous la Gore-Tex la visibilité chute bientôt à quelques mètres, et le givre qui se forme sur les verres des lunettes et que j’élimine tant bien que mal d’un revers de gant me fait à peine deviner les langues de neige verglacées qui par moment encombrent la moitié de la chaussée. Bref ; c’est Guernica !

Sur une ultime rampe un virage à droite me mène à une nouvelle barrière : le sommet ? Je serais bien incapable de le dire, n’y voyant plus à cinq mètres. Je décide donc de rebrousser chemin avant de geler sur place, car tenter de passer sous la barrière avec la force d’Eole m’apparaît hasardeux. La manœuvre du demi-tour est délicate, car je dois quitter provisoirement la protection toute relative de la barrière de sécurité pour faire face au mistral qui ne lâche pas prise.
Retour à la première barrière et à la zone boisée où l’accalmie me permet d’enlever les gants et de voir via le compteur jusqu’où je suis grimpé : 1928 mètres selon l’altimètre, je suis donc bien arrivé au sommet … mais que ce fut laborieux !




Ainsi se termine l’ascension de « Mon Ventoux », où le fait de n’avoir rien vu m’obligera peut-être à une nouvelle tentative, face sud cette fois-ci … mais bien plus tard dans la saison !
Au village de Mont Serein où je me réchauffe un peu avant de redescendre, on m’annonce des vents à 100 km/h au col. Ce qui est finalement peu par rapport au maximum de 360km/h déjà enregistré : à cette vitesse au moins je passais la barrière et le col en même temps.

Le lendemain le passage dans le petit massif forestier des dentelles de Montmirail par des pistes caillouteuses et désertes est un régal de cyclotouriste, et une fois dans la vallée le mistral toujours présent me pousse sans coup férir à Orange.


dentelles de Montmirail






Orange sous le soleil paraît déjà méditerranéenne et assurément latine avec son théâtre remarquablement conservé et son monumental Arc de Triomphe achevé en + 20.





Le vent me pousse toujours jusqu’à Avignon, et que ce soit depuis les dentelles de Montmirail, 




depuis la colline Saint-Eutrope d’Orange, 




ou depuis le château de l’Hers, le Mont Ventoux complètement dégagé deux jours durant après mon ascension me nargue un peu de sa splendeur…



… allant quasiment jusqu’à danser sur le pont d’Avignon.





après une grosse matinée de pluie dans la cité papale, le Mont avait cependant déjà repris sa parure d'hiver.





d'autres clichés un peu plus décalés...

parc de Parilly

vieilles rues de Villefranche


Valence : surtout ne pas tatonner !


Le Cheylard : grande braderie de vélos




Avignon

homonyme, ou reconversion ?



lundi 11 janvier 2016

Bresse Blanc

Le département de l’Ain permet quelques belles ballades à vélo.
A l’est de la préfecture le relief karstique, prolongement sud du Jura, est un plateau calcaire façonné par l’érosion, où les rivières deviennent parfois souterraines, comme dans le Bessin normand.

Meillonnas

abbaye de Sélignac

relief karstique


L’Ain s’y est donné à cœur joie pour y tailler ses Gorges.





Au sud c’est la région des mille étangs. Parti de Villars et de sa belle église romane une boucle d’un jour me mène à la cité médiévale de Pérouges en traversant la région de la Dombes.

Villars-les-Dombes


Pérouges

église fortifiée

place des tilleuls

porte d'en-bas




Pour visiter le Bugey deux jours me seront nécessaires au départ d’Ambérieu. Je prends rapidement de la hauteur pour jeter un œil sur la via Rhôna par laquelle je suis arrivé il y a quelques semaines.



Passée la Cluse des Hôpitaux où courent la voie ferrée et la route pour Chambéry, une superbe vue se dégage au détour d’Ordonnaz sur le massif du Mont Blanc.

Cluse des Hôpitaux

Mont Blanc

Contrevoz


Je bivouaque dans le marais de Lavours, au pied du Grand Colombier, dont je ne pourrai faire l’ascension le lendemain à cause de la fermeture de la route.



Les brumes matinale bloqueront les rayons du soleil et me feront plier bagage à juste 0 degrés ; je préfère ne pas traîner pour ne pas recevoir une balle perdue des chasseurs dont j’entends la corne de brume et les aboiements excités des chiens prêts au combat.

Ainsi sont les dangers qui guettent le cyclo-campeur l’hiver : la route glissante le matin et les chasseurs l’après-midi après le déjeuner arrosé.



Le retour à Ambérieu par les Gorges de l’Albarine, sous le soleil toujours, avec le thermomètre dépassant les 20 degrés, terminent cet agréable week-end : Noël au balcon…


Grand Colombier

marais de Vaux

Gorges de l'Albarine



A l’ouest j’entre dans la région de la Bresse, délimitée par Mâcon qui, le long de la Saône, est située à quelques encablures de la Roche de Solutré, dont François Mitterrand faisait chaque année l’ascension.





Le marché du samedi de Châtillon sur Chalaronne ne fait aucun doute sur la vocation de ce bocage.


Châtillon ; hôtel-Dieu


Bresse Blanc…

Blanc comme le plus haut Mont des Alpes qui par beau temps dévoile sa silhouette.



Blanc comme l’auberge étoilée de Vonnas de Georges Blanc où le menu Saveur titille les 300 euros. Fichtre.






C’est Elisa, la « Mère Blanc », qui rendit la maison célèbre au début du vingtième siècle, avec à la carte les cuisses des grenouilles des Dombes aux herbes, le poulet de Bresse à la crème, ou les crêpes vonnassiennes dont venait se régaler Edouard Herriot.



L’imitateur Laurent Gerra est né à 5 kilomètres dans le village de Mézériat, et il se produit au moins une fois l’an à Bourg-en-Bresse.



Si les Vendéens sont des ventres à choux, les Bressans sont des « ventres jaunes », à cause de leur plat traditionnel, les « gaudes », bouillies de farine de maïs grillé.

Blanc enfin comme Marcel Blanc, cet ouvrier de l’usine Bresse Bleu de Servas, qui à la fin des années 80 glisse dans la boîte à idées de la Fabrique son envie de parcourir le monde à vélo.
Son patron le convoque, et accepte sa folie ; parti à la mort de Coluche pour l’Amérique, il rentrera trois ans plus tard en revenant par l’Europe de l’Est juste avant la chute du mur, avec comme tenue un maillot de cycliste floqué à l’effigie de Bresse Bleu.

Servas ; usine Bresse-Bleu


Bourg-en-Bresse possède quelques industries mais ce n’est pas dans l’une d’elles que je trouverai à travailler.
Dans une zone industrielle, oui, mais dans celle de Chassieu ; et non dans une usine, mais dans un double restaurant servant tous les midis de la semaine.
Logeant à Bourg, dans l’appartement de Jocelyne, chez qui j’irai improviser quelques sessions de wwoof, je passe plus de quatre heures par jour (1 heure de train puis 1 heure de vélo à l’aller) pour aller bosser dans cette banlieue de Lyon.



en longeant la ligne de Tram ; Part-Dieu

Villeurbanne


Alors pour la dernière semaine je trouve un logement à Saint-Priest, ce qui ramène mon temps dans les transports quotidiens à vingt minutes par jour … quel pied d’aller travailler !