« Esperamos
en la oficina al senor finlandés Blais »
Ah,
le senor finlandais, c'est moi ça. J'avoue que ça ne fait rire que
moi dans la salle du petit bar du ferry où je me suis réfugié le
temps d'un café. Mais fini de rire maintenant. Il me faut passe à
la caisse et payer mes dettes. Car mon entrée dans le ventre du
bateau hier soir ne passa pas inaperçu aux yeux du contrôleur du
billet.
- Mais vous n'avez pas de ticket pour le vélo ?
- Ah non. J'ai pourtant bien précisé que je voyageais à vélo.
- Et vous allez à Melinka ?
- Oui. Enfin je vais à Chiloé.
- Bien vous allez à Quellon donc ?
- Ben, oui ... euh non … enfin, je vais à Chiloé quoi !
- Mais vous avez un billet pour Melinka !!
- Oh ?!
Bon
finalement aujourd'hui le contrôleur est plutôt de bonne humeur. Et
comme je lui explique que je ne suis pas finlandais, il me fait payer
seulement le supplément pour le vélo.
Prendre
un ferry au cours d'un voyage à vélo est toujours un moment
reposant, d'autant plus que la traversée dure 20 heures. Je monte de
temps en temps sur le pont supérieur, lors des deux escales
notamment, mais comme le temps est plutôt à la pluie, je reste dans
la salle principale où les moniteurs captent via le satellite des
films américains doublés en espagnol.
A
Melinka, l'affluence de nouveaux passagers remplit bientôt la salle
commune. Et comme les fauteuils sont numérotés, certains touristes
se voient obligés de quitter leur place. Il y a comme de la
surréservation dans l'air. Personne ne réclame le n°18 ; je
regarde donc la fin d'un épisode de Harry Potter assis.
Melinka
En
débarquant à Chiloé j'entre soudain dans un nouvel univers. Loin
des villages tranquilles et presque déserts de la carretera australe
la petite ville de Quellon surprend par son animation bouillonnante
autour de son avenue principale en travaux.
Les
petits ateliers d'artisanat de la rue Gomez Garcia sont agrémentés
de vendeurs de poissons et de petits restaurants où je me régale au
bord d'un comptoir d'une énorme empanada aux fruits de mer.
La
route qui part vers l'ouest mène à une impasse, où un monument
marque l'emplacement du début (ou de la fin) de la Panaméricaine,
énorme ruban d'asphalte qui longe de façon quasi continue le
Pacifique depuis l'Alaska.
Au
delà la piste de terre qui borde des champs piscicoles dessert le
village de Trincao et sa vieille église en bois.
Le
temps est plutôt à la pluie, avec quelques éclaircies. Qu'importe.
Darwin lors de son passage en 1835 n'a-t-il pas noté sur son carnet
de voyage qu'il n'y avait pas d'autre endroit au monde où il
pleuvait autant. Et pour un Anglais, c'est peu dire.
Je
prends le large vers le nord par la route 5 que je quitte à son
embranchement pour le PN de Chiloé.
J'évolue
dans un paysage très bocager, quasi familier, sur une route bitumée
bien casse-pattes. Les côtes sont courtes mais sévères, et je
dépasse allègrement les 50km/h dans les descentes.
Le
lago Huillinco constitue un lieu de bivouac adéquat, et en fonction
de la météo, il se fait très écossais le soir, et plus
méditerranéen le matin ; il doit y avoir un peu de magie
chilote là dessous.
Le
petit village de Cucao au sud du lac éponyme constitue la porte
d'entrée de l'unique parc national de l'île.
L'après-midi est passé à arpenter les petits sentiers interprétatifs qui me font connaître un peu mieux la faune et la flore de l'île.
L'après-midi est passé à arpenter les petits sentiers interprétatifs qui me font connaître un peu mieux la faune et la flore de l'île.
La
« murta », dont la baie est utilisée pour la confection
de confitures ou de desserts entre autres.
Le
coigue, et le canelo, arbre sacré pour les Mapuche.
Au
retour au campement j'ai la mauvaise surprise de voir les sacoches
contenant la nourriture déchirées dans leur partie supérieure ;
bien qu'entreposées sous le auvent de la tente, une partie du pain a
disparu et mon pâté en tube a été éventré.
Je
soupçonnerais bien cette espèce de gros merle qui me nargue au
sommet d'un coigue. J'imagine le piaf assis sur le dessus de la
sacoche en train de se préparer un sandwich aux rillettes. Ah le
saligaud.
Bon
un petit coup de gaffer de chaque côté de la déchirure et les
sacoches sont comme neuves.
Décidément
cette île renferme bien des mystères.
Comme
la petitesse de certains de ses mammifères : le « monito
de Monte » de la famille des kangourous ; le « guiña »,
chat sauvage le plus petit au monde ; et l'emblématique
« pudú », la
plus petite espèce de cervidé au monde, qui ressemble de loin à
une chèvre domestique en plus petit et en plus trapu.
Si
Chiloé appartenait à la Terre du Milieu, je la placerais sans
hésiter dans la Comté ; paysages de collines verdoyantes au
pied desquelles coulent des ruisseaux clairs : peut-être le
« Trauco » (petit personnage de légende de moins de 1
mètre de haut vivant dans les bois) est-il un descendant direct du
Hobbit.
Tôt
le lendemain un circuit côtier à vélo puis à pied me permet de
fouler pour la première fois les plages du Pacifique, que je partage
avec les vaches en quête de quelques algues à brouter.
Sur
l'estran la marée dépose par centaines des espèces de grosses
coques qui doivent faire le régal des mouettes puisque personne ne
vient les ramasser.
Il n'y a pourtant qu'à se pencher. Comme j'ai
des doutes sur leur comestibilité je poursuis ma route sur ce sable
compact que Paulo négocie sans difficulté.
Si
Chiloé avait été mon île de débarquement en Amérique, Paulo se
serait peut-être appelé « Chilote » ; je crois
qu'il est bien content d'avoir commencé par le Brésil !
Quelques
passerelles permettent de franchir les ruisseaux à pied sec, et
quand l'itinéraire devient pédestre je laisse le vélo au pied de
la première côte.
Le
sentier dévoile alors des criques et des plages paradisiaques sous
un temps très ensoleillé qui ne me fait pas regretter mon départ
matinal. Un vrai bol d'air pur.
En
revenant sur la côte est je retrouve plus d'animation autour de la
petite ville de Chonchi.
On
ne s'y arrête pas forcément pour sa plage, quoiqu'il y ait
aujourd'hui un courageux
Mais
plus pour y acheter des vêtements de laine ou de la « liqueur
d'or ».
Depuis
mon entrée au Chili je croise de nombreux habitants de Santiago qui
fuient l'oppression et la chaleur de la capitale et se réfugient
pendant leurs vacances dans ces régions plus calmes et plus fraîches
du sud du pays.
Aujourd'hui
en cette fin d'été ce sont ces quatre retraitées qui profitent
d'un programme d'aide de l'Etat pour visiter Chiloé : le trajet
en avion depuis Santiago et le logement d'une semaine à Ancud leur
sont payés ; le reste est à leur charge. L'occasion pour l'une
d'entre elles qui a des origines françaises de s'exercer dans la
langue de Molière.
A
Chiloé les chiens sont également très nombreux. On m'a expliqué à
Quellon qu'il était de bon ton pour un Chilien de posséder un
chien, et même plusieurs.
Cette
dame me dira d'ailleurs que elle, elle n'en possède que trois !
Alors quand les portées se multiplient, il arrive souvent qu'une
partie de ces chiots finissent leur vie dans la rue.
Peu
avant Castro l'église en bois de Nercon est un arrêt obligé. Les
travaux de restauration qui ont duré 20 mois se sont terminés en
septembre 2013 dévoilant aux yeux du voyageur une splendeur
patrimoniale.
La
plupart des pièces sont assemblées de façon traditionnelle, sans
pointes ni vis, ce qui donne à la structure une bonne résistance
aux vents forts notamment.
A
Castro aussi l'église est au centre des regards, avec sa façade
peinte, et à l'intérieur son iconographie faite de personnages
quasi réels.
Les
maisons sur pilotis, ou palafitos, ne passent pas inaperçues non
plus.
Et
pour goûter à encore plus d'authenticité, rien ne vaut de
déambuler dans le grand marché aux fruits et aux poissons.
J'y
retrouve les coques de l'avant veille, dont j'ai perdu le nom en
espagnol, qui se mangent donc crues, ou cuisinées avec d'autres
fruits de mer.
Je
n'ai pas regardé le prix au kilo, mais si j'en avais ramassé assez,
peut-être aurais-je pu m'acheter ce mignon perrito ?
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