samedi 15 mars 2014

Chiloé Sur

« Esperamos en la oficina al senor finlandés Blais »
Ah, le senor finlandais, c'est moi ça. J'avoue que ça ne fait rire que moi dans la salle du petit bar du ferry où je me suis réfugié le temps d'un café. Mais fini de rire maintenant. Il me faut passe à la caisse et payer mes dettes. Car mon entrée dans le ventre du bateau hier soir ne passa pas inaperçu aux yeux du contrôleur du billet.
  • Mais vous n'avez pas de ticket pour le vélo ?
  • Ah non. J'ai pourtant bien précisé que je voyageais à vélo.
  • Et vous allez à Melinka ?
  • Oui. Enfin je vais à Chiloé.
  • Bien vous allez à Quellon donc ?
  • Ben, oui ... euh non … enfin, je vais à Chiloé quoi !
  • Mais vous avez un billet pour Melinka !!
  • Oh ?!


Bon finalement aujourd'hui le contrôleur est plutôt de bonne humeur. Et comme je lui explique que je ne suis pas finlandais, il me fait payer seulement le supplément pour le vélo.

Prendre un ferry au cours d'un voyage à vélo est toujours un moment reposant, d'autant plus que la traversée dure 20 heures. Je monte de temps en temps sur le pont supérieur, lors des deux escales notamment, mais comme le temps est plutôt à la pluie, je reste dans la salle principale où les moniteurs captent via le satellite des films américains doublés en espagnol.
A Melinka, l'affluence de nouveaux passagers remplit bientôt la salle commune. Et comme les fauteuils sont numérotés, certains touristes se voient obligés de quitter leur place. Il y a comme de la surréservation dans l'air. Personne ne réclame le n°18 ; je regarde donc la fin d'un épisode de Harry Potter assis.

 Melinka

En débarquant à Chiloé j'entre soudain dans un nouvel univers. Loin des villages tranquilles et presque déserts de la carretera australe la petite ville de Quellon surprend par son animation bouillonnante autour de son avenue principale en travaux.
Les petits ateliers d'artisanat de la rue Gomez Garcia sont agrémentés de vendeurs de poissons et de petits restaurants où je me régale au bord d'un comptoir d'une énorme empanada aux fruits de mer.








Le petit musée me fait prendre connaissance avec quelques uns des personnages mythologiques de l'île, dont la Pincoya, qui aperçue dansant sur la mer est signe de pêche facile, ou le fameux Brujo, sorcier maléfique.



La route qui part vers l'ouest mène à une impasse, où un monument marque l'emplacement du début (ou de la fin) de la Panaméricaine, énorme ruban d'asphalte qui longe de façon quasi continue le Pacifique depuis l'Alaska.


Au delà la piste de terre qui borde des champs piscicoles dessert le village de Trincao et sa vieille église en bois.






Le temps est plutôt à la pluie, avec quelques éclaircies. Qu'importe. Darwin lors de son passage en 1835 n'a-t-il pas noté sur son carnet de voyage qu'il n'y avait pas d'autre endroit au monde où il pleuvait autant. Et pour un Anglais, c'est peu dire.



Je prends le large vers le nord par la route 5 que je quitte à son embranchement pour le PN de Chiloé.
J'évolue dans un paysage très bocager, quasi familier, sur une route bitumée bien casse-pattes. Les côtes sont courtes mais sévères, et je dépasse allègrement les 50km/h dans les descentes.



Le lago Huillinco constitue un lieu de bivouac adéquat, et en fonction de la météo, il se fait très écossais le soir, et plus méditerranéen le matin ; il doit y avoir un peu de magie chilote là dessous.




Le petit village de Cucao au sud du lac éponyme constitue la porte d'entrée de l'unique parc national de l'île.
L'après-midi est passé à arpenter les petits sentiers interprétatifs qui me font connaître un peu mieux la faune et la flore de l'île.

La « murta », dont la baie est utilisée pour la confection de confitures ou de desserts entre autres.


Le coigue, et le canelo, arbre sacré pour les Mapuche.



Au retour au campement j'ai la mauvaise surprise de voir les sacoches contenant la nourriture déchirées dans leur partie supérieure ; bien qu'entreposées sous le auvent de la tente, une partie du pain a disparu et mon pâté en tube a été éventré.
Je soupçonnerais bien cette espèce de gros merle qui me nargue au sommet d'un coigue. J'imagine le piaf assis sur le dessus de la sacoche en train de se préparer un sandwich aux rillettes. Ah le saligaud.
Bon un petit coup de gaffer de chaque côté de la déchirure et les sacoches sont comme neuves.


Décidément cette île renferme bien des mystères.
Comme la petitesse de certains de ses mammifères : le « monito de Monte » de la famille des kangourous ; le « guiña », chat sauvage le plus petit au monde ; et l'emblématique « pudú », la plus petite espèce de cervidé au monde, qui ressemble de loin à une chèvre domestique en plus petit et en plus trapu.
Si Chiloé appartenait à la Terre du Milieu, je la placerais sans hésiter dans la Comté ; paysages de collines verdoyantes au pied desquelles coulent des ruisseaux clairs : peut-être le « Trauco » (petit personnage de légende de moins de 1 mètre de haut vivant dans les bois) est-il un descendant direct du Hobbit.



Tôt le lendemain un circuit côtier à vélo puis à pied me permet de fouler pour la première fois les plages du Pacifique, que je partage avec les vaches en quête de quelques algues à brouter.



Sur l'estran la marée dépose par centaines des espèces de grosses coques qui doivent faire le régal des mouettes puisque personne ne vient les ramasser. 


Il n'y a pourtant qu'à se pencher. Comme j'ai des doutes sur leur comestibilité je poursuis ma route sur ce sable compact que Paulo négocie sans difficulté.
Si Chiloé avait été mon île de débarquement en Amérique, Paulo se serait peut-être appelé « Chilote » ; je crois qu'il est bien content d'avoir commencé par le Brésil !
Quelques passerelles permettent de franchir les ruisseaux à pied sec, et quand l'itinéraire devient pédestre je laisse le vélo au pied de la première côte.
Le sentier dévoile alors des criques et des plages paradisiaques sous un temps très ensoleillé qui ne me fait pas regretter mon départ matinal. Un vrai bol d'air pur.








En revenant sur la côte est je retrouve plus d'animation autour de la petite ville de Chonchi.




On ne s'y arrête pas forcément pour sa plage, quoiqu'il y ait aujourd'hui un courageux


 Mais plus pour y acheter des vêtements de laine ou de la « liqueur d'or ».


Depuis mon entrée au Chili je croise de nombreux habitants de Santiago qui fuient l'oppression et la chaleur de la capitale et se réfugient pendant leurs vacances dans ces régions plus calmes et plus fraîches du sud du pays.
Aujourd'hui en cette fin d'été ce sont ces quatre retraitées qui profitent d'un programme d'aide de l'Etat pour visiter Chiloé : le trajet en avion depuis Santiago et le logement d'une semaine à Ancud leur sont payés ; le reste est à leur charge. L'occasion pour l'une d'entre elles qui a des origines françaises de s'exercer dans la langue de Molière.


A Chiloé les chiens sont également très nombreux. On m'a expliqué à Quellon qu'il était de bon ton pour un Chilien de posséder un chien, et même plusieurs.
Cette dame me dira d'ailleurs que elle, elle n'en possède que trois ! Alors quand les portées se multiplient, il arrive souvent qu'une partie de ces chiots finissent leur vie dans la rue.



Peu avant Castro l'église en bois de Nercon est un arrêt obligé. Les travaux de restauration qui ont duré 20 mois se sont terminés en septembre 2013 dévoilant aux yeux du voyageur une splendeur patrimoniale.



La plupart des pièces sont assemblées de façon traditionnelle, sans pointes ni vis, ce qui donne à la structure une bonne résistance aux vents forts notamment.

A Castro aussi l'église est au centre des regards, avec sa façade peinte, et à l'intérieur son iconographie faite de personnages quasi réels.

 


 






Les maisons sur pilotis, ou palafitos, ne passent pas inaperçues non plus.




Et pour goûter à encore plus d'authenticité, rien ne vaut de déambuler dans le grand marché aux fruits et aux poissons.


J'y retrouve les coques de l'avant veille, dont j'ai perdu le nom en espagnol, qui se mangent donc crues, ou cuisinées avec d'autres fruits de mer.


 Je n'ai pas regardé le prix au kilo, mais si j'en avais ramassé assez, peut-être aurais-je pu m'acheter ce mignon perrito ?











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